Justice
Le Ministère public a requis des peines de trois, quatre et cinq ans et demi de prison contre le trio qui a poussé un touriste dans les bras d’une prostituée mineure avant de le menacer de diffuser les images sur les réseaux sociaux

«Une affaire très atypique», a relevé la procureure Olivia Dilonardo en décrivant ce dossier qui met en scène des maîtres chanteurs et un riche touriste saoudien filmé en compagnie d’une prostituée mineure dans une chambre de l’Hôtel Bristol. Pour cette extorsion finalement déjouée par la police et pour avoir entraîné une jeune fille de 17 ans à commettre un acte sexuel contre rémunération, le Ministère public genevois a requis jeudi des peines allant de trois à cinq ans et demi de prison contre le trio ayant fomenté ce rançonnage raté.
«Famille terrorisée»
«Des touristes exemplaires. Des proches de la famille royale d’Arabie Saoudite, qui avaient pour habitude de passer leurs vacances à Genève et qui sont désormais terrorisés à la simple idée d’y revenir.» Conseil des parties plaignantes, Me Thomas Barth a enchaîné en décrivant «la machination» ourdie par cette bande dont faisait partie le garde du corps de l’homme d’affaires. «C’était une véritable PME de l’extorsion avec onze participants et un manque total de scrupules.» Les prévenus n’ont tenu aucun compte du mal qu’ils ont fait à l’homme d’affaires mais aussi à son épouse et à leurs quatre jeunes enfants.
C’était un véritable cauchemar pour notre famille, c’était comme si on m’avait mis un pistolet sur la tempe
«C’était un véritable cauchemar pour notre famille, c’était comme si on m’avait mis un pistolet sur la tempe», avait déclaré l’épouse lors de l’enquête. Celle-ci a appris l’étendue des fréquentations nocturnes de son mari, craint pour la réputation de sa famille, parlé avec des inconnus menaçants et joué un rôle particulier dans la remise de la rançon. Dix jours de calvaire où elle n’a même pas pu voir ses enfants.
Une pratique répandue
Une autre angoisse demeure pour les victimes. Qu’est devenu le film qui mettait en scène l’homme d’affaires? Nul ne sait vraiment si tous les exemplaires ont été détruits. «La famille vit avec la peur quotidienne que ces images ressortent un jour», a ajouté Me Barth.
Le chantage à la sextape est devenu une véritable plaie dans le monde arabe, a ajouté Me Romain Jordan, et les Saoudiens en sont les principales victimes. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’une ONG a même été créée pour lutter contre ces pratiques souvent orchestrées par des ressortissants du Maghreb. L’avocat des plaignants a loué l’activité de la police genevoise dans cette affaire, rappelé que de tels agissements criminels nuisent à l’image du canton, et demandé 15 000 francs de tort moral pour chacun des époux.
«Tourisme sexuel»
Le procès s'est poursuivi avec les plaidoiries de la défense. Mes Valérie Lorenzi, Yaël Hayat et Timothée Bauer n’ont pas manqué de nuancer le rôle tenu par leur client dans cette «sale affaire». Le comportement du touriste saoudien, qui ne s’est pas vraiment soucié de l’âge de la jeune fille et qui recourait intensivement aux services de prostituées, a également été dénoncé comme étant peu compatible avec l’octroi d’un tort moral. Sans compter que les prévenus connaissent tous d’importantes difficultés financières alors que les plaignants sont richissimes.
«Ce dossier laisse un goût amer, a ajouté Me Hayat, c’est en tout cas une affaire où il faudrait s’abstenir du couplet sur le mariage heureux et sur les bienfaits du tourisme. Ce n’est pas le tourisme sexuel que Genève se doit de promouvoir.»
Le Tunisien et les deux Français, tous domiciliés de l’autre côté de la frontière, seront fixés sur leur sort ce vendredi.
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