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Au siège genevois de l’Unicef, le refus du vaccin vaut licenciement

Prérequis pour y être engagé ou continuer à y travailler, le vaccin contre le Covid-19 est de fait devenu obligatoire au siège de l’Unicef à Genève. Une collaboratrice qui a perdu son emploi témoigne. Le président du Conseil d’Etat genevois ne cache pas son étonnement

Image d'illustration — © Gian Ehrenzeller/Keystone
Image d'illustration — © Gian Ehrenzeller/Keystone

Si vous désirez postuler au siège de l’Unicef à Genève, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, qui gère notamment la division des recherches de fonds et des partenariats, vous devez être prêt à signer cet engagement: «Je confirme que si je suis sélectionné pour ce poste, je me conformerai à toutes les exigences de l’Unicef en matière de vaccination, y compris contre le Covid-19.» Ce prérequis n’est pourtant demandé dans aucune autre organisation onusienne à Genève, que ce soit à l’OIT (Organisation mondiale du travail), à l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ou à l’ONU (Organisation des Nations unies).

L’Unicef est le premier acheteur de vaccins du monde. Il gère et coordonne plus de 2 milliards de vaccinations de routine dans près de 100 pays chaque année. La politique de l’organisation concernant le vaccin contre le Covid-19 est dogmatique: elle se base sur les directives de l’OMS pour déclarer que le vaccin est l’unique moyen de prévenir les maladies graves, les hospitalisations et les décès dus à toutes les variantes actuelles du virus.

Licenciés si non vaccinés

En interne, la politique sanitaire de l’organisation va beaucoup plus loin. Le 27 juin dernier, un courrier a été envoyé à tout le personnel de l’Unicef exigeant une preuve de leur vaccination contre le Covid-19 – y compris les télétravailleurs, les consultants, les stagiaires, le personnel détaché travaillant en partenariat avec l’Unicef – sous peine de licenciement au 30 septembre 2022. Le but était de «préserver la santé et la sécurité de notre personnel, ainsi que de ceux que nous servons, tout en veillant à ce que l’Unicef puisse continuer à remplir son mandat, quel que soit le scénario».

«Si le statut vaccinal Covid-19 d’un membre du personnel (à l’exception des personnes bénéficiant d’une exemption) ne peut être confirmé comme répondant aux exigences d’ici le 30 septembre 2022, la personne ne sera pas autorisée à poursuivre son service actif avec l’Unicef. L’accès à tous les locaux et autres lieux de travail de l’Unicef (tels que les sites de projets) sera révoqué sans possibilité de travail à distance», était-il indiqué noir sur blanc dans son communiqué interne, que nous avons pu consulter.

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Une collaboratrice des bureaux genevois a refusé de se faire vacciner. Elle est désormais sans emploi. Elle s’exprime sous le couvert de l’anonymat et questionne l’éthique de cette démarche: «Le fait que l’Unicef soit la seule agence à exiger le vaccin a conduit beaucoup d’entre nous à se demander sous quelle autorité elle agissait, alors que même l’OMS ou l’OIT ne mènent pas ce genre de politique interne.» Elle a été avertie en mai 2022 que le vaccin serait rendu obligatoire pour quiconque travaillait dans l’un des sièges de l’Unicef à travers le monde. Un mois plus tard, elle a reçu la marche à suivre pour inscrire son état de vaccination sur la plateforme interne. On lui signale alors qu’un accord de séparation à l’amiable peut être proposé, moyennant une indemnité, et que si elle refuse elle se retrouvera coupée de tous ses accès au 1er octobre 2022, sans contrepartie financière.

«Certains de mes collègues qui ne pouvaient se permettre de se retrouver sans emploi se sont fait injecter la dose de vaccin à contrecœur, parfois même contre l’avis de leur médecin traitant, reprend-elle. Je ne suis pas la seule à avoir perdu mon emploi. Les exemptions médicales et religieuses ont été refusées.»

«L’Unicef a exigé que tout le personnel soit entièrement vacciné contre le Covid-19 avant le 30 septembre 2022 avec la série de vaccins approuvés par l’OMS», confirme James Elder, porte-parole de l’institution à Genève. Sur les 500 employés genevois, on ne saura pas combien ont été licenciés ni combien se sont fait vacciner contre leur plein gré.

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Un questionnaire effectué cet été en interne auprès du Département de recherche de fonds et partenariat révélait que 40% des employés étaient contre cette obligation de vaccination. «L’OMS continue d’indiquer que les vaccins Covid-19 actuellement autorisés sont sûrs et très efficaces pour prévenir les maladies graves, les hospitalisations et les décès dus à toutes les variantes actuelles du virus, continue le porte-parole. En exigeant des vaccins, notre objectif est de préserver la santé et la sécurité de notre personnel, ainsi que de ceux que nous servons, tout en veillant à ce que l’Unicef puisse continuer à remplir son mandat, quel que soit le scénario.»

Le Conseil d’Etat genevois interloqué

Au Conseil d’Etat genevois, on est interloqué. Son président, Mauro Poggia, n’était pas au courant de la pratique, mais répond en misant sur la prudence. «Ces contrats de travail n’étant pas soumis au droit suisse, je ne vais pas m’immiscer dans ces règles internes qui dépassent mes autorités cantonales. En ce qui me concerne, même au pic de la crise, je n’aurais pas soutenu le licenciement des soignants qui refusaient de se faire vacciner… bien que je regrette amèrement que des personnes qui ont au cœur de leur métier la protection d’autrui soient prêtes à prendre le risque de propager le virus.»

En effet, l’Organisation des Nations unies (ONU) n’est pas soumise au droit national: les relations de travail du personnel des missions permanentes et des organisations internationales ne sont pas régies par le droit suisse du travail, mais par les règlements internes des organisations internationales. Conformément à l’Ordonnance sur l’Etat hôte, les missions permanentes et les organisations internationales sont habilitées, en vertu du droit international, à déterminer les conditions de travail qui s’appliquent à leur personnel. A noter que les comités nationaux, comme celui qui est actif à Zurich, sont des satellites qui ne dépendent pas des règlements des Nations unies, mais du droit suisse en l’occurrence.

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