Soupçons de fraude aux HUG: un des médecins mis en cause se défend
Genève
Trois sommités de l’hôpital sont mises en cause dans la gestion d’un laboratoire de transplantation. Le professeur Philippe Morel se défend de toute responsabilité

Querelles d’ego ou manquements graves? Les deux? Une affaire empoisonne le climat aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG). Elle touche un laboratoire d’isolement et de transplantation cellulaire (LITC), sur lequel planent des soupçons de mauvaise gestion financière et de manquement à l’éthique médicale de 2007 à cette année. Un audit, daté du 4 octobre dernier et dont le «Matin Dimanche» se fait l’écho, met en cause trois sommités des HUG en matière de transplantation. Lesquelles, selon le journal dominical, se renvoient la balle, alors que la direction est empruntée. L’un d’eux, le chef du Service de chirurgie viscérale Philippe Morel, s’explique. Cette affaire tombe pour lui au plus mauvais moment, alors qu’il vient de sortir un livre, «L’Urgence d’être humain».
Le Temps: Philippe Morel, vous êtes mis en cause, tout comme vos collègues Thierry Berney et Léo Bühler. Qu’avez-vous à vous reprocher?
Philippe Morel: Rien. J’ai créé le LITC en 1992 et, trois ans plus tard, je l’ai quitté pour être nommé chef du Service de chirurgie viscérale. Le LITC est dirigé par le professeur Berney depuis de nombreuses années. Je n’ai donc plus rien à y voir.
- Comment expliquer alors que vous soyez mis en cause, vous aussi?
- J’ai été alerté fin 2015 par des personnes qui souhaitaient éclaircir des aspects légaux et éthiques concernant la gestion du LITC. Je me suis alors adressé à l’expert, Swisstransplant, qui n’est pas une autorité de surveillance mais l’organisateur des transplantations en Suisse. Ma demande de renseignements écrite a abouti à ce que le conseiller d’Etat vaudois et président de Swisstransplant Pierre-Yves Maillard demande à son homologue genevois, Mauro Poggia, de contrôler cette activité. Lequel a suspendu immédiatement les activités de recherche et lancé un audit, auquel j’ai participé. Il s’agissait d’éventuellement corriger une pratique. Je ne suis toutefois pas directement mêlé à cette affaire, puisque je ne dirige pas l’entité incriminée. Je n’ai aucune autorité pour demander au professeur Berney de m’ouvrir ses comptes ou ses protocoles de recherche. Le fait d’être identifié à la transplantation me vaut aujourd’hui de me retrouver mêlé à cette situation, ce qui me nuit.
- Pourtant le directeur des HUG Bertrand Levrat affirme dans le «Matin Dimanche» que «les trois professeurs sont interconnectés et totalement impliqués dans cette affaire». Il utilise l’analogie des poupées russes. Il se trompe?
- Disons alors que les poupées sont au nombre de six, dont lui-même! Car en 2015, mon collègue Léo Bühler lui a envoyé une lettre, restée sans suite. A-t-il conclu qu’il n’y avait rien de répréhensible? Ce n’est que plusieurs mois plus tard que j’ai adressé une question écrite à Swisstransplant.
- Toute cette histoire donne le sentiment de nombreuses rivalités au sein des HUG!
- Bien sûr qu’il existe des tensions, comme dans toutes les grandes entreprises. Mais la vérité, c’est que nous opérons ensemble journellement et nous retrouvons dans les colloques. C’est donc qu’on sait apaiser ces tensions. J’espère que le complément d’audit sur le volet financier mettra un point final à cette histoire et qu’une feuille de route suivra. Je suis prêt à contribuer à ce qu’elle soit favorable aux professeurs Berney et Bühler, que j’ai formés et qui sont des talents.
- L’audit final conclut à des lacunes dans l’aspect légal, l’aspect éthique et la gestion administrative et financière. N’est-ce pas grave tout de même?
- Comme tous les audits, il met le doigt sur des lacunes de transparence. Bien sûr, il faut améliorer la gestion administrative, mieux huiler les rouages du système. Mais il ne conclut ni à la gestion déloyale des intérêts publics, ni à des pratiques illégales ou manquant d’éthique. Dans toute cette affaire, je ne suis qu’un témoin.