France voisine
A l’arrêt depuis la saison 2011, le remonte-pente du Salève vient de reprendre du service, à l’initiative d’un groupe de jeunes bénévoles soutenus par la mairie d’Archamps

Ce n’est certes pas Crans-Montana ou Avoriaz, mais la petite station de la Croisette, sur le Salève, à 1300 m d’altitude, a de nouveau presque tout d’une grande. Il a suffi pour cela que son téléski soit remis en marche. Il avait stoppé ses va-et-vient en 2011. Lassitude des bénévoles de l’Association téléski du Salève (ATS) qui le géraient à l’époque, nécessité (coûteuse) de mise aux normes, manque de neige, voilà ce qui a expliqué l’arrêt des machines. Mais Archamps a élu en 2014 un nouveau maire, Xavier Pin, dont le souhait est de créer du lien social et de ranimer l’esprit communal.
Deux mille cinq cents habitants, dont 1500 frontaliers, la bourgade haut-savoyarde collée à Genève était en passe de se muer en cité-dortoir. Le maire ne veut pas de cela et a donc guigné là-haut le terrain de jeux favori des Genevois, à savoir la Croisette, hameau de 50 âmes, où l’hiver on luge, on pratique le ski de fond et la raquette, mais plus le ski alpin, faute d’équipement en état. «Les plus âgés se souvenaient avec nostalgie du téléski de leur enfance et les plus jeunes rêvaient de voir cette petite station revivre pour avoir le plaisir de skier, comme leurs aînés, en contemplant le lac Léman», résume Xavier Pin.
Fonds de la contribution fiscale genevoise
En mars 2015, décision est prise de rouvrir le fameux remonte-pente installé en 1972 par le constructeur Montagner, d’Allonzier-la-Caille. En septembre, le chantier commence: changement de moteur et du tableau électrique, deux nouveaux pylônes sont posés, les autres sont consolidés, repeints et dotés d’épais coussins. Deux mois plus tard, les travaux sont achevés. Coût de la réfection et de la mise aux nouvelles normes de sécurité: 100 000 euros. Le département finance à 20%, Archamps prend tout le reste à sa charge avec des fonds qui proviennent principalement de la contribution fiscale genevoise. «Preuve que les fonds frontaliers ne sont pas détournés sur Grenoble ou Clermont-Ferrand, comme certains bonimenteurs le laissent entendre. Ils servent au bien de tous dans la région», argue un conseiller municipal.
Il s’agit aussi de ranimer l’ATS. Une vingtaine de jeunes du coin, tous bénévoles, se sont engagés à faire fonctionner la remontée mécanique et à dynamiser la station. A leur tête Anthony Rey, à peine 20 ans, technicien dessinateur en architecture dans le civil, patron du téléski le week-end. «Le Salève et la Croisette, c’est mon enfance et ma deuxième maison, on veut qu’il y ait de la vie», dit-il. Dont acte: samedi, l’association RodRider a été invitée et a programmé snowboard freestyle, tremplin et airbag pour amortir les chutes des acrobates de la neige.
Les bénévoles ont tous de belles tenues, des talkies-walkies pour se parler, une motoneige, une dameuse flambant neuve (171 000 euros) et des tickets à poinçonner à chaque départ de skieur. Ce n’est pas cher: 2 euros la montée, 15 le forfait journalier. Ouverture le samedi, le dimanche, le mercredi après-midi et pendant les vacances. Le téléski fait 660 mètres, la piste frôle le kilomètre. Un Carougeois lugeant avec ses enfants sur la piste d’en face: «Je ne savais pas qu’ils avaient rouvert le téléski, demain je reviens avec mes skis. Je devais aller à Saint-Cergue lundi, mais si la piste est bonne, je monte ici.» Ce samedi, il y avait 20 centimètres de neige. Pas mal, mais on peut faire beaucoup mieux, assurent les bénévoles, scrutant le ciel avec espoir.
Un appui helvétique souhaité
Pour la sécurité, deux personnes salariées ont été recrutées par l’association du Foyer de fond du Salève, dont Pierre Chauvet, ancien membre de l’équipe de France de ski de fond, qui est responsable de la sécurité sur l’ensemble du domaine. Un héliport a été aménagé. Les communes alentour, comme Bossey et Collonges, ont accordé des sommes à l’ATS (2000 euros chacune), mais la mairie d’Archamps attend maintenant un engouement plus fort des deux côtés du Salève. «Nous sommes heureux de l’intérêt manifesté par les communes suisses de Troinex, Bardonnex et Veyrier, mais je suis sûr que d’ici à quelques années, le soutien sera plus large encore, car même si nous sommes une petite station, nous serons toujours la plus proche de Genève et la seule d’où l’on peut voir le jet d’eau», insiste Xavier Pin.
Auteur de l’ouvrage Le Salève, des histoires et des hommes aux Editions Slatkine (2015), le journaliste et historien Dominique Ernst rappelle qu’en 1900, on chaussait déjà sur les pentes du Salève «de longs patins norvégiens». Outre le ski, la luge et le bobsleigh étaient pratiqués. Le succès précoce de ces sports d’hiver – plus précoce que dans beaucoup de nos grandes stations alpines – s’explique par des moyens de locomotion permettant déjà aux Genevois de rallier facilement le Salève, notamment grâce au chemin de fer électrique à crémaillère qui partait du Pas-de-l’Echelle pour arriver à la gare des Treize-Arbres sur le Grand-Salève. Au début des années 1900, une compétition de luge dite Coupe du Salève drainait des milliers de spectateurs tout le long de la pente entre les Treize-Arbres et le village de Monnetier. L’ATS espère organiser en 2017 un slalom spécial à la Croisette «pour faire aussi bien que les anciens».