Mercredi dernier, mi-journée, dans une barre d’immeubles d’un quartier populaire de Meyrin dont nous tairons le nom. Le calme habituel est soudain troublé par un débarquement policier dont la cité n’est pas coutumière. Il s’agit de la police fédérale (Fedpol). Ils investissent le bâtiment et perquisitionnent un appartement du deuxième étage, où vit une famille de cinq enfants, d’origine arabe. Saisie de cartons, d’un ordinateur, du paillasson aussi, ce qui surprend. Le père de famille est arrêté, a appris Le Temps.

Le Ministère public de la Confédération (MPC) confirme qu’il a, «le 14 juin 2017, dans la région de Genève et dans le cadre d’une enquête en cours, procédé à l’arrestation d’une personne. Cette opération s’est effectuée en étroite collaboration avec l’Office fédéral de la police Fedpol ainsi qu’avec le corps de la police cantonale».

Habitants sous le choc

Que reproche-t-on au prévenu? «D’avoir violé l’article 2 de la loi fédérale interdisant les groupes «Al Qaïda» et «État islamique» et les organisations apparentées (RS 122). Il est par ailleurs prévenu de soutien, respectivement de participation à une organisation criminelle au sens de l’article 260ter CP». L’homme a été placé en détention préventive. Mais compte tenu du secret de l’enquête, le Ministère public ne peut fournir d’autres indications.

Dans le quartier, les habitants sont encore sous le choc. A nos questions, la plupart opposent le silence. Pas cette habitante: «J’ai eu très peur. C’était comme dans les films, il y avait des policiers à tous les étages ainsi que devant l’immeuble». Elle se barricadera chez elle tout au long de cet après-midi funeste. Dans la bouche d’un autre habitant, la famille en question est décrite comme «calme et gentille, même si elle n’avait pas beaucoup de contacts avec les voisins». Le père arrêté est décrit comme un homme avenant, jovial, toujours tiré à quatre épingles. Il était chauffeur de taxi, mais paraissait avoir suspendu son activité depuis quelque temps. Et une femme manifeste de la compassion pour la maman, «une belle femme même si elle porte le voile» et qui se retrouve aujourd’hui seule avec ses enfants.

Meyrin resté dans l’ignorance

Le maire de Meyrin, Jean-Marc Devaud, ne cache pas son étonnement. Et pour cause: «Vous m’apprenez cette arrestation! Je suis un peu déçu que ni Berne ni le canton ne nous aient mis au courant d’un problème qui n’est pas anodin et qui m’inquiète énormément». Dans une cité fière de rassembler 140 nationalités qui vivent en bonne harmonie, la découverte d’un radicalisé potentiel déstabilise et interpelle: «Je pense que nous aurons une discussion au Conseil municipal pour voir ce qu’il convient de faire. On devra s’interroger sur la manière dont Meyrin pourrait exercer un genre de veille pour prévenir ces dangers», complète le maire.

Le conseiller d’Etat en charge de la sécurité, Pierre Maudet, reste vague: «Par principe, je ne me prononce jamais sur les cas particuliers. Tant la police fédérale que les polices cantonales ne cessent d’enquêter avec des résultats concluants. C’est un travail acharné, au quotidien, qui se fait bien souvent en collaboration avec des services à l’étranger». On ne sait, pour l’heure, si tel est le cas ici. Mais dans ce quartier de Meyrin, bigarré et joyeux des cris des enfants, il plane comme un diffus malaise.