«La transidentité n’est pas encore intégrée dans la société»
Témoignage
La ville de Genève a lancé sa campagne 2018 contre l’homophobie et la transphobie. Lynn Bertholet, engagée dans la cause transidentitaire, évoque sa vie de femme transgenre

«Pouvoir être soi à tout âge»: les aînées de la communauté lesbienne, homosexuelle, bisexuelle et transgenre (LGBT) sont au cœur de la campagne 2018 contre l’homophobie et la transphobie lancée par la ville de Genève. Six personnalités ont accepté de s’afficher et de témoigner dans le cadre de cette nouvelle édition. Parmi elles, Lynn Bertholet, directrice adjointe d’une banque privée, première femme transgenre reconnue à Genève avant même d’avoir effectué son opération. Aujourd’hui membre du comité de l’association LGBT 360, elle s’engage ardemment dans la cause transidentitaire.
«Nos principales problématiques aujourd’hui en tant que personnes transgenres ne sont pas toutes communes avec les personnes lesbiennes, gays ou bi. Les problèmes qu’affronte notre communauté concernent surtout les aspects juridique et médical», affirme la femme de 58 ans. La Genevoise, qui se dit «née dans le mauvais corps», insiste sur la caractéristique identitaire propre aux transgenres, qui se différencie totalement de la caractéristique sexuelle.
Un changement de genre compliqué au niveau juridique
La question juridique est l’une des raisons primordiales de l’engagement de Lynn. Celle qui est officiellement devenue une femme en octobre 2015 souligne les complications qu’implique un changement de genre au niveau juridique, surtout à Genève: «En 2014 encore, la Cour de justice a rejeté un recours au motif que la recourante n’était pas stérile, en contradiction crasse des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de celles déjà prises en Suisse, à Zurich notamment.»
Si l’aspect juridique progresse, la question médicale pose encore plusieurs difficultés fondamentales. Au-delà des problèmes liés aux opérations de transition, la médecine ne dispose pas des connaissances nécessaires concernant les transgenres. «En consultation, nous devons toujours préciser que nous sommes nés dans un corps biologique différent. Lorsque j’ai eu un cancer en 2016, les médecins en charge ont rencontré des difficultés dans mon suivi car ils ignoraient ce qu’est une personne transgenre, médicalement parlant. Il y a un manque d’exigence et de formation dans ce domaine-là», s’inquiète Lynn.
Des papiers pour attester de l’identité des transgenres
Pour la militante, tant que ces deux problématiques affecteront la cause transgenre, la transidentité ne sera pas encore intégrée dans la société: «Sans papiers qui attestent de leur identité vécue, les transgenres se heurtent quotidiennement à des difficultés. Un simple contrôle de police peut se révéler délicat.»
Cette exclusion sociale est plus présente au sein des anciennes générations que des nouvelles, ces dernières étant plus ouvertes à la transidentité. Par ailleurs, Lynn souligne aussi que le changement de genre entraîne plus de complications au niveau médical s’il est effectué tardivement: «Il est plus difficile d’être une personne transgenre à 60 ans qu’à 30 ans. Plus on attend l’opération, plus c’est difficile médicalement.»
A l’avenir, Lynn espère que les personnes transgenres seront mieux écoutées au sein des associations LGBT, ou qu’à défaut elles se défendent elles-mêmes via des associations ne représentant que des trans.
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