Un nouvel imam sulfureux à la grande mosquée de Genève
Genève
Le Marocain Youssef Ibram revient à Genève pour la troisième fois. Très controversé en Suisse alémanique, il a créé plusieurs fois le tollé avec des positions radicales

A la mosquée de Genève, on prend les mêmes et on recommence. Dans un contexte très tendu – deux imams et le responsable de la sécurité fichés S et un troisième prédicateur remercié – il fallait pacifier l’institution. Son directeur, Ahmed Beyari, a cru en avoir trouvé le moyen en nommant un imam qui a déjà travaillé deux fois à la Fondation culturelle islamique, le Marocain Youssef Ibram, a appris «Le Temps»: «Je l’ai vu à l’œuvre pendant quatre ans, il prêche en français et en arabe, il est en Suisse depuis trente-cinq ans, il est gentil, poli et respectueux de la loi», affirme le directeur.
Respectueux de la loi? De la charia en tout cas. Car le pedigree de Youssef Ibram n’est pas exactement celui dont rêvent les musulmans modérés. Engagé en 1982 à Genève, le prédicateur formé en Arabie Saoudite est remercié en 1991 une première fois. Il va alors semer le trouble en Suisse alémanique. Tout commence par un article paru dans le journal Coopération en 2004, où il affirme ne pas pouvoir condamner la lapidation des femmes adultères puisque celle-ci fait partie de la charia. Tollé. Il doit alors quitter la mosquée Zayed de Zurich où il officiait. Retour à la mosquée de Genève comme imam, qu’il quitte quatre ans plus tard. D’après nos informations, des querelles d’ego ont eu raison de l’imam controversé, qui ira alors exercer sa science à Paris et à Lyon, avant de retourner en Suisse alémanique.
Source de nombreux débats
Il prêche actuellement à Volketswil (ZH) depuis un an et demi, où il n’est guère plus apprécié. Il faut dire qu’il siège au Conseil européen de la fatwa et de la recherche, ce qui n’aide pas à lever le doute. Ses positions sur la manière dont les filles vierges peuvent pratiquer le vélo ont aussi choqué. A Volketswil, il a tenté de créer un jardin d’enfants islamique, ce qui a provoqué des débats nourris. Ce projet a finalement été rejeté par le Tribunal fédéral il y a une dizaine de jours. «Il a fait porter cette initiative par des femmes issues du Conseil central islamique suisse», ajoute Saïda Keller-Messahli, présidente du Forum pour un islam progressiste.
Mais rien de tout ceci n’inquiète Ahmed Beyari: «Je ne suis pas au courant des scandales dont vous parlez et je vais en parler avec lui.» Un peu plus tard, il nous rappelle pour attester qu’il n’y voit pas de problème et que sa nouvelle recrue est au-dessus de tous soupçons quant à sa ligne théologique: «Il n’est pas un radical, au contraire, c’est un modéré», assure-t-il benoîtement. Mais pour Saïda Keller-Messahli, il ne fait aucun doute que «les Saoudiens lui ont proposé de venir à Genève. La question est de savoir quel agenda la grande mosquée poursuit.»