Les travailleurs népalais, indiens, bangladais ou philippins pourront-ils remercier la Suisse? Un accord visant à améliorer le sort des ouvriers de la Coupe du monde 2022, au Qatar, a été finalisé la semaine dernière, grâce à la médiation de Berne. Les syndicats se réjouissent et veulent croire que la FIFA, l’instance dirigeante du football mondial, a fini par «reconnaître ses responsabilités» dans les conditions que réserve l’émirat du Qatar à ses travailleurs étrangers.

C’est en mai 2015 que l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) avait déposé plainte auprès du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). En cause, selon le syndicat basé à Genève: des violations des droits de l’homme, dont seraient victimes les travailleurs migrants dans les chantiers des stades qui abriteront la Coupe du monde. C’est le «Point de contact national», rattaché au Seco, qui a été saisi du dossier, lui qui est chargé d’encourager les multinationales établies en Suisse à appliquer des principes directeurs en ce sens formulés par l’OCDE.

Un dossier qui s’alourdit

Deux ans de négociations, au moins une demi-douzaine de rencontres: si le Qatar n’était pas directement associé au processus, il s’agissait d’obtenir de la FIFA qu’elle veille au respect des droits de l’homme et du travail lors de l’attribution des marchés publics.

Entre-temps, le dossier n’a cessé de s’alourdir contre le Qatar. Selon la Confédération syndicale internationale (CSI), il est à craindre que jusqu’à 7000 travailleurs étrangers puissent perdre la vie dans des accidents liés aux chantiers de la Coupe du monde. Les défenseurs des droits de l’homme mettent en avant une liste sans fin des pratiques d’un autre âge: «confiscation» des passeports pour des travailleurs qui se voient parfois contraints de travailler contre leur gré; salaires de misère, quand ils ne sont pas carrément retenus; conditions d’hygiène déplorables; ouvriers employés dans les conditions extrêmes du désert et parfois privés d’eau; absence de tout syndicat… Autant de griefs abondamment relayés par les médias et qui ont forcé la FIFA à réagir.

«Un pas en avant»

«Cet accord est un pas en avant, dont il faudra néanmoins surveiller l’application», note Nico Lutz membre du comité directeur d’Unia, qui faisait partie de la délégation syndicale. «La FIFA a ainsi reconnu qu’elle avait des responsabilités, et qu’elle dispose de moyens directs d’agir» pour améliorer les conditions des travailleurs. Parmi les résultats obtenus: un mécanisme visant à canaliser les plaintes et les reproches adressés par les travailleurs à leur employeur. Les deux parties ont aussi convenu de se retrouver d’ici au début de l’année prochaine, sous les auspices de la Suisse, afin de vérifier la bonne mise en marche de l’accord et d’éventuelles suites à donner au processus. En «saluant» les efforts de la Suisse, Sharan Burrow, la secrétaire générale de la CSI, dit elle aussi «attendre avec impatience» la mise en œuvre intégrale de cet accord. Aux yeux de la syndicaliste, «le fait que le gouvernement d’un autre pays ait dû intervenir» pour aider les travailleurs étrangers représente à lui seul «une mise en accusation de plus pour le Qatar».

Comme le rappelle encore la CSI, cet accord ne concerne stricto sensu que les chantiers liés directement au football, et non la construction de routes, d’hôtels et d’infrastructures qui vont permettre à la capitale Doha d’accueillir la Coupe du monde. «Cet accord ne couvre que quelques milliers des plus de 2 millions de travailleurs migrants établis au Qatar, note Sharan Burrow. Mais il montre ce qui peut être accompli dans un premier temps pour que tous les migrants travaillant dans le pays bénéficient de tous les droits.»