«Un préau propre est un préau qu’on ne salit pas.» Ce truisme, formulé par la conseillère administrative de la Ville de Genève Esther Alder, est à l’évidence un vœu pieux. Car depuis trop longtemps, les cours d’écoles genevoises sont fâcheusement sales, souillées par les fêtards pendant le week-end. Jusqu’à présent, ni les plaintes de parents ni les interpellations politiques n’avaient permis de changer la donne. Esther Alder assure avoir désormais empoigné le problème. Mais certains se posent des questions sur la méthode.

Tout commence par un état des lieux, réalisé ce printemps, afin de vérifier si les doléances des usagers reposent sur une réalité solide. C’est bien le cas, confirme le rapport final dont «Le Temps» a obtenu copie: sur les 52 préaux de la Ville, la moitié d’entre eux sont d’une salubrité qui laisse à désirer. Parmi eux, 14 sont d’une saleté repoussante. Canettes, tessons de bouteille, mégots de cigarettes, détritus en tous genres jonchent ces jardins bitumés des écoliers genevois.

Sans un sou de plus au budget

Décision est donc prise de diriger les balais et les souffleuses vers ces préaux encrassés. Une première mesure urgente est prise en déléguant à des entreprises privées le soin de les astiquer le week-end. Alors que les préaux moins désordonnés continuent à être nettoyés en semaine par le personnel des écoles ou par des entreprises sociales de réinsertion.

Mais sans un sou de plus au budget (lequel se monte à un million de francs pour 2016), difficile de tenir la distance. La conseillère municipale a donc réajusté le tir depuis le 1er octobre, en imaginant une réorganisation progressive: remplacer petit à petit les entreprises privées par les employés du service des écoles qui travailleraient le week-end, à raison d’un toutes les cinq semaines. «Cette adaptation du cahier des charges permet davantage d’efficience, se félicite Esther Alder. Au niveau budget, nous avons réussi à réallouer certaines sommes afin de ne pas avoir à réclamer une ligne supplémentaire pour le nettoyage». Ce nouveau dispositif est en phase de test, il sera évalué en juin prochain.

«Un flou caractérisé»

Mais d’ici là, une autre échéance attend Esther Alder. Une motion PDC a en effet été déposée il y a un an et demi, enjoignant la Ville à nettoyer les préaux le week-end. La magistrate doit être auditionnée début décembre par la commission des finances pour rendre compte de l’avancée du dossier. Marie Barbey, conseillère municipale PDC en Ville de Genève et auteure de la motion, n’est pas particulièrement optimiste: «Nous n’avons rien vu bouger, cet été les préaux étaient dans un état aussi déplorable qu’avant. Je ne vois dans cette nouvelle organisation qu’un flou caractérisé.»

Les politiques sociales avant le nettoyage

Qu’est-ce qui permet à la conseillère municipale de tenir ces propos? «Esther Alder nous laisse entendre que depuis le premier octobre, les préaux sont nettoyés. Mais avec quelle ligne budgétaire? Je peine à croire qu’elle parvienne à faire plus et mieux sans demander un franc supplémentaire.» Et la démocrate-chrétienne de déplorer «que la Ville crée des prestations sociales à n’en plus finir et laisse cette tâche régalienne au second plan.» Une critique qu’Esther Alder balaie: «Je préfère dépenser de l’argent pour des politiques sociales que pour du nettoyage. Il est navrant de constater que les espaces publics sont souvent méprisés. Il y a donc un effort d’éducation à faire auprès du public.»

Certes, mais il y a long avant que la prévention ne porte ses fruits. Certains ont donc envisagé des mesures plus radicales. Comme fermer les préaux le week-end: «Je n’y suis pas favorable, répond Esther Alder. Ils s’apparentent à des places de village, ils ont vocation à être des lieux de rencontre pour les jeunes.» Soit, mais alors que faire? Marie Barbey a sa petite idée: «S’il s’avère qu’il ne ressort rien de concret de cette réorganisation, on proposera un amendement au projet de budget en proposant de transmettre cette tâche de nettoyage à la voirie. Car nous sommes lassés d’attendre.»