Hasard du calendrier, le canton de Genève présentait les statistiques 2019 de la violence domestique, au lendemain de l’annonce du semi-confinement. L’occasion de rappeler les mesures particulières mises en place pour éviter une recrudescence des cas de violences au sein du couple et de la famille et venir en aide aux victimes en cette période de crise sanitaire. En 2019, 1946 infractions pénales pour violences domestiques ont été recensées à Genève, soit une baisse de 2% par rapport à l’année précédente selon l’observatoire chargé d’analyser le phénomène au niveau cantonal. Les femmes et les filles demeurent les cibles principales (83% des victimes).

Si les cas de violence domestique, qui représentent la moitié du total des actes brutaux dénoncés dans le canton, ont baissé en 2019, les consultations auprès du réseau, elles, ont augmenté. Quelque 6353 victimes ou auteurs se sont tournés vers au moins une des institutions de prise en charge l’an passé, soit 7,5% de plus qu’en 2018. 65% d’entre elles étaient majeures. La police cantonale a également dû répondre à 633 réquisitions pour violences domestiques, un chiffre en hausse de 8% par rapport à 2018. Réalisées en collaboration avec les 12 entités du réseau de prise en charge des personnes concernées par les violences domestiques et complétées par les chiffres émanant de la police, les statistiques du jour ne montrent toutefois que les cas connus des autorités.

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En mars dernier, lors de la première vague, le canton avait mis en place des mesures inédites pour prendre en charge les personnes en danger au sein de leur foyer. A l’heure où Genève se reconfine, le dispositif va être reconduit, annonce Nathalie Fontanet, ministre des Finances et des ressources humaines. «Nous allons suivre la situation de près et de manière continue afin d’évaluer les besoins. Les solutions d’hébergement d’urgence seront de nouveau opérationnelles», détaille-t-il, soulignant que témoins et voisins jouent un rôle essentiel. L’enjeu pour la conseillère d’Etat? Détecter une éventuelle aggravation de situations déjà connues ou une augmentation des nouveaux cas.

Jusqu’à 70 appels par demi-journée

Le bilan des mesures instaurées au printemps est aujourd’hui esquissé. Entre avril et juillet, le dispositif a été sollicité à 42 reprises. Au total, 56 personnes ont été hébergées à l’hôtel durant 671 nuitées. Impossible, toutefois, de mesurer l’impact global du semi-confinement sur la violence domestique. Les données statistiques relatives aux violences domestiques durant cette période extraordinaire ne seront disponibles qu’avec le traitement de l’ensemble de l’année 2020, soit en automne 2021.

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A son échelle, Muriel Golay, directrice du centre LAVI Genève, a constaté une forte augmentation des sollicitations à partir du mois de mai. «Nous avons dû traiter jusqu’à 70 appels par demi-journée, souligne-t-elle. Un nombre qui dépasse largement nos capacités. Les procédures judiciaires ont pris du retard. Certaines problématiques familiales datant du printemps ne sont pas encore réglées.»

«Climat propice à la violence»

Quels sont les risques d’un semi-confinement en termes de violences domestiques? «Les victimes attendent souvent plus longtemps avant de demander de l’aide parce qu’il y a des difficultés financières accrues, une méconnaissance du dispositif d’aide, la fausse idée que les institutions sont fermées ou encore la crainte d’être séparées de leurs enfants ou de mettre à mal leur scolarité», souligne Muriel Golay. Une difficulté encore accrue pour les personnes sans statut légal. «Plus généralement, la situation de stress ambiant, les difficultés économiques créent une détresse psychique et un climat propice à la violence.» Violences dans le couple ou dans la famille, incestes, maltraitances ou violences sexuelles pendant l’enfance: les violences domestiques représentent 44% des situations traitées au centre LAVI de Genève en 2020.