Les violences domestiques radiographiées à Genève
Chiffres
Après avoir connu une baisse de 12% en 2017, les chiffres de la violence au sein du couple et de la famille reprennent l’ascenseur. Dans le canton, ces infractions représentent désormais la moitié du total des actes brutaux dénoncés

La violence domestique semble battre des records à Genève. Selon les derniers chiffres de l’observatoire chargé d’analyser le phénomène au niveau cantonal, les infractions pénales commises dans la sphère privée ont augmenté de 31% en 2018. Celles-ci représentent désormais la moitié de l’ensemble des 4002 actes de violence enregistrés durant l’année par la police. Cette présence massive peut s’expliquer par une recrudescence de cas, une tendance à dénoncer davantage ou encore par la détection plus fine d’agents mieux formés. Cette dernière hypothèse est celle que privilégie le rapport en question.
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Le sujet est d’une actualité brûlante. Alors que des manifestations ont lieu pour dénoncer les violences faites aux femmes, les statistiques, publiées ce lundi, permettent d’appréhender une partie de la réalité, sachant que beaucoup de victimes restent encore dans l’ombre, ne portent pas plainte ou ne s’adressent pas aux entités du réseau genevois «violences domestiques».
Particularité cantonale
Dans le détail, ce rapport révèle que des patrouilles de police ont été appelées à 586 reprises pour intervenir dans un tel contexte. C’est un peu plus qu’en 2017 (566 réquisitions) mais c’est beaucoup moins qu’en 2008 (964). En fait, la tendance est stable depuis 2015. Par contre, les infractions attribuées aux violences domestiques sont en hausse (+31% à Genève contre +9% à l’échelon national) et constituent une part toujours plus importante des violences en général, lesquelles ont aussi globalement augmenté de 15% dans le canton, contre 5% en Suisse.
Dans l’arsenal à disposition pour tenter de prévenir les risques, la mesure d’éloignement administratif a été prononcée par la police à 61 reprises à l’encontre de 57 hommes et 4 femmes pour un total de 725 jours. Le nombre de mesures est en hausse mais la durée moyenne d’éloignement diminue de quatorze à douze jours. Parmi les personnes concernées, 67% ont participé à un entretien sociothérapeutique et juridique. Les autres ont été dénoncées au parquet pour avoir failli à cette obligation.
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Le contexte du couple
Le rapport dessine également le profil des 6082 victimes ou auteurs (certaines personnes cumulent les deux casquettes) qui se sont adressées à au moins une des 14 institutions du réseau en 2018. Parmi la population ainsi recensée, il y a 3992 personnes majeures. Dans cette catégorie, 68% sont considérées comme des victimes directes (dont 85% de femmes). Les violences subies par les femmes le sont plus fréquemment dans le couple. Par contre les hommes (des jeunes majeurs qui malmènent leur père ou bien le contraire) sont plus souvent victimes de violence dans une relation parent-enfant.
Une énorme proportion des violences domestiques (soit 82%) a été exercée dans un contexte conjugal, soit au sein du couple, soit après la séparation. Quelque 834 hommes sont impliqués en qualité d’auteur, soit une hausse de 10% par rapport à 2017. Le nombre de 195 femmes augmente de 19%. Au nombre des victimes majeures et directes de ces violences de couple, il y a 1988 femmes (+0,5%) et 267 hommes (+12%).
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Les enfants victimes
Ces violences conjugales font aussi de nombreuses victimes indirectes (1043 enfants pris en charge pour avoir été exposés). L’autre moitié des 2090 mineurs concernés a subi des violences infligées par les parents, les partenaires ou les familles d’accueil. Parmi ces plus jeunes recensés, seuls 10% sont auteurs (dont 63% de garçons). L’âge médian des auteurs mineurs se situe autour de 15 ans, alors que celui des victimes directes est de 12 ans et des victimes indirectes de 9 ans.
Pour Colette Fry, directrice du Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences, les chiffres sont révélateurs d’un phénomène de société majeur et sont utiles pour piloter l’action publique: «Ce rapport confirme l’importance de continuer les efforts de sensibilisation de tous les acteurs impliqués, de faire de la prévention et de poursuivre les actions de prise en charge des personnes concernées par la violence domestique.»