Justice
Saisie par l'homme d'affaires Dogu Perinçek, qui contestait le terme de «génocide», la Cour de Strasbourg confirme une première condamnation de la Suisse

La Suisse a violé la liberté d’expression de Dogu Perinçek, juge en dernière instance la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg. La Suisse avait condamné le président du Parti des travailleurs de Turquie pour discrimination raciale parce qu’il avait qualifié en 2005 le génocide arménien de «mensonge international».
C’est l’instance suprême de la CEDH, sa Grande chambre composée de 17 juges, qui a statué ce jeudi sur une réponse définitive à cette controverse délicate, entre polémique historique et liberté d'expression.
La CEDH vient favoriser un peu plus le négationnisme en donnant raison à #Perinçek. Ma détermination contre le négationnisme est renforcée
— Valérie Boyer ن (@valerieboyer13) 15 Octobre 2015
#CEDH #Perinçek La Suisse n'aurait pas dû condamner un Turc pour négation du génocide des Arméniens... #Libertédexpression
— Vartan Arzoumanian (@varzoumanian) 15 Octobre 2015
La plainte de Dogu Perinçek
Dans l’affaire jugée jeudi, la CEDH avait été saisie par l’homme politique turc Dogu Perinçek, condamné en 2007 à une amende par la justice suisse pour avoir publiquement déclaré que la thèse d’un génocide arménien perpétré au début du XXe siècle relevait d’un «mensonge international». Dogu Perinçek arguait que cette condamnation avait porté atteinte à sa liberté d’expression.
Dans un arrêt de première instance, en décembre 2013, la Cour européenne lui avait donné raison: elle avait alors rappelé qu’elle pouvait admettre des limites à la liberté d’expression à condition que celles-ci soient solidement justifiées, ce qui n’était pas le cas, selon elle, dans cette affaire.
La Suisse a obtenu un nouvel examen
Par la suite, la Suisse a obtenu que l’affaire soit à nouveau examinée, cette fois devant l’instance suprême de la CEDH. Lors d’une audience sur le fond, en janvier 2015 à Strasbourg, le représentant des autorités helvétiques s’était défendu en soulignant que nier le génocide revenait à «accuser les Arméniens de falsifier l’Histoire, une des formes les plus aiguës de discrimination».
Dans le camp opposé, les avocats de Dogu Perinçek, mais également ceux du gouvernement turc, qui est entré dans l’affaire, avaient soutenu que le génocide arménien ne faisait pas l’objet d’un «consensus général», contrairement à la Shoah.
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Dans son premier arrêt de 2013, la CEDH avait fait sienne ce raisonnement: elle avait alors souligné qu’il convenait de «distinguer clairement» l’affaire Perinçek de celles portant «sur la négation des crimes de l’Holocauste», «des faits historiques, parfois très concrets, comme l’existence des chambres à gaz», et qui par ailleurs «avaient été jugés clairement établis par une juridiction internationale».