Géraldine Savary: «La sécurité est aussi un droit fondamental»
Loi sur le renseignement
«Je ne comprends pas que le PS renonce à ce que l’Etat assume son devoir s’assurer la sécurité», déclare la vice-présidente du Parti socialiste suisse, à la veille de l’assemblée des délégués

Samedi, à Saint-Gall, les délégués du Parti socialiste devraient appuyer la recommandation de leur comité central de soutenir le référendum «contre l’Etat fouineur» qui s’oppose à la loi sur le renseignement, malgré les attentats de Paris. Le PS, dont une minorité de députés a accepté le texte, est divisé. Vice-présidente du PS suisse la sénatrice vaudoise Géraldine Savary dit pourquoi elle a voté la loi.
Le Temps: Vous faites partie de la minorité socialiste qui a accepté la loi. A quoi attribuez-vous ces divergences?
Géraldine Savary: Le PS a notamment pour mission historique de défendre les citoyens et leurs libertés individuelles contre l’oppression de l’Etat. Cela coulait de source au XIXe siècle, lorsque les mouvements sociaux étaient réprimés et que les libertés d’expression ou individuelle n’étaient pas garanties. Considérer aujourd’hui l’Etat comme une menace, c’est refuser de reconnaître nos engagements politiques et syndicaux pour assurer ces libertés durant tout le XXe siècle. C’est dire que «l’Etat oppresseur» est resté le même. Que notre lutte n’a servi à rien. Je considère qu’aujourd’hui nous courons davantage le risque d’un moins d’Etat, y compris en matière de sécurité, que de trop d’Etat.
La gauche a du mal à parler de la sécurité, cela a longtemps été un tabou.
Le PS doit considérer que la sécurité est aussi un droit fondamental. D’autant plus que la gauche est aux responsabilités dans les grandes villes suisses. C’est à l’Etat de s’en charger. Je préfère des services de renseignement sous contrôle du parlement plutôt que d’avoir des sociétés privées qui nous espionnent ou des agences étrangères. Je ne comprends pas comment on peut renoncer à ce que l’Etat exerce son devoir de protection.
Vous vous êtes beaucoup investie dans l’élaboration de la loi afin d’y inscrire les garde-fous exigés par la gauche. Quelles avancées avez-vous obtenues?
Les conditions posées par le PS étaient très proches des recommandations de la délégation des commissions de gestion, chargée de la surveillance du Service de renseignement. C’est celles que nous avons largement adoptées. A l’article 3 nous avons obtenu des conditions plus précises autorisant l’intervention du SRC au-delà de la sauvegarde des intérêts nationaux. Le projet du Conseil fédéral parlait de «situation ordinaire» et de «situation extraordinaire». Nous avons réussi à remplacer ces définitions vagues par l’exigence d’une «menace grave et imminente» planant sur la sécurité intérieure. C’est très restrictif et exigeant.
Et sur le volet «surveillance»?
L’arsenal dans ce domaine a été renforcé. Le Tribunal administratif fédéral (TAF), qui doit délivrer les autorisations d’exploration des réseaux de communication, pourra opérer des auditions en cas de doute sur l’adéquation des moyens mis en œuvre. Le Conseil fédéral créera une commission indépendante, avec de larges pouvoirs, chargée de la surveillance du SRC. On y adjoindra aussi un organe de contrôle indépendant pour l’exploration radio et l’exploration du réseau câblé. Le Conseil fédéral, qui aura la responsabilité de la surveillance du SRC, instituera un système de contrôle des finances. Enfin le parlement exercera sa haute surveillance, y compris sur les activités des autorités d’exécution cantonales, par la délégation des commissions de gestion et la délégation des finances. Sur demande des intéressés, le préposé à la protection des données pourra lui aussi intervenir.
Reste la question des relations entre le SRC et la justice.
La délimitation des compétences entre le renseignement et les procédures judiciaires est très importante aux yeux du PS. Par exemple, ce sont les polices cantonales et non le SRC qui peuvent appréhender les personnes et celui-ci ne peut que les interroger brièvement. Les prérogatives du SRC sont soigneusement délimitées.
Peut-on parler d’une surveillance de masse?
Le système mis en place n’est en aucune façon une surveillance de masse. Nous ne sommes pas dans un Patriot Act à l’américaine. Même si elle le voulait, la Suisse n’aurait pas les moyens de mettre sur pied un tel système. Pour l’exploration des réseaux câblés, par exemple, le SRC devra établir une liste d’occurrences. De même pour les personnes ou organisations observées, qui ne peuvent l’être que sur la base d’indices fondés. Franchement, je ne vois pas ce que le PS n’a pas obtenu. A moins d’être par principe opposé à l’existence d’un service de renseignement et à la surveillance préventive, hors d’une procédure pénale.