Gilles Marchand: «Nous avons commis une erreur»
SSR
Le directeur général de la SSR, Gilles Marchand, admet pour la première fois que l’enquête concernant l’un des cadres impliqués dans l’affaire de harcèlement n’était pas exhaustive

Depuis les révélations du Temps sur «la loi du silence» régnant à la RTS concernant plusieurs cas de harcèlement sexuel, la SSR évolue en mode crise. Elle évalue les mesures qu’elle proposera ce mercredi à son conseil d’administration. Les explications de son directeur général, Gilles Marchand.
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La RTS traverse-t-elle la plus grave crise de son existence, dans la mesure où jamais son image n’a été aussi ternie?
C’est une grave crise, assurément. Je ne la sous-estime absolument pas. Il faut rapidement corriger ce qui doit l’être.
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Vous étiez directeur de la RTS au moment où une affaire de harcèlement par un cadre a éclaté en 2014. Etiez-vous au courant? Et si oui, pourquoi n’avez-vous rien fait?
Nous n’avons pas rien fait, mais nous n’en avons certainement pas fait assez. Nous avons mené une enquête externe, tout à fait sérieuse et indépendante, sur ce collaborateur pour vérifier ses compétences de cadre sur une période d’environ trois ans. Cette enquête-là n’a pas révélé de problème de harcèlement. Mais nous aurions dû remonter à la période où ce collaborateur était journaliste, notamment dans les années 2008-2009, pour entendre toutes les personnes qui auraient souffert de son comportement. C’est l’erreur que nous avons faite et que je regrette. Nous allons donc rouvrir l’enquête en l’élargissant et nous prendrons les mesures qui s’imposent en fonction des conclusions.
Regrettez-vous aussi que les cadres impliqués dans ces affaires n’aient pas été suspendus, comme ils le sont désormais?
Il faut suspendre un cadre lorsqu’il y a une enquête en cours et que les personnes concernées ne peuvent pas exercer leur fonction. La RTS suspend les deux cadres concernés parce que nous rouvrons l’enquête.
Parlons maintenant de Darius Rochebin. Ne l’avez-vous pas couvert parce qu’il était le présentateur vedette de la RTS?
Absolument pas. J’aimerais le dire clairement: je suis totalement choqué de ce que nous avons appris à son propos. Ce que nous savions, c’est ce qui a été communiqué à la direction de la RTS en automne 2017. Il utilisait des comptes avec des pseudonymes sur les réseaux sociaux. La direction de la RTS a convoqué Darius Rochebin pour le lui interdire, car c’est contraire à nos règles professionnelles. Informé par la direction de la RTS, j’ai considéré que cette mesure était appropriée aux informations factuelles disponibles. J’aimerais ajouter une chose. Un personnage public d’une telle visibilité a un devoir d’exemplarité. Après les révélations du Temps, nous devrons agir pour éviter qu’à l’avenir de telles situations soient possibles.
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Pourquoi les instruments qui ont été créés pour lutter contre le harcèlement ne fonctionnent-ils pas?
C’est une question centrale. Compte tenu des cas révélés, je constate que les outils que nous avons, qui sont pourtant d’excellente qualité, ne fonctionnent pas bien. Nous avons d’abord une plateforme de whistleblowing, un contrat avec Movis, une société reconnue dans le domaine des ressources humaines, et enfin un outil spécifique à la Suisse romande: le groupe de médiation, qui comprend trois personnes nommées par l’employeur et trois par le syndicat.
Qu’allez-vous changer à l’avenir?
Nous devons adapter ces outils pour que la parole des collaboratrices et collaborateurs soit mieux et plus facilement libérée. Je suis déterminé à réagir à tous les niveaux pour que nous retrouvions au sein de l’entreprise un climat de sérénité qui pour moi est essentiel. Nous allons faire cela non seulement au niveau de la RTS, mais de toute la SSR sur un plan national. Une telle crise ne doit plus jamais survenir. Il faut à l’avenir que les problèmes remontent très vite, en toute confiance.
L’initiative «No Billag» a-t-elle joué un rôle, dans la mesure où il fallait étouffer toute affaire perturbant la communication de la SSR?
Je refuse catégoriquement de faire le lien avec cette initiative. Le cas du premier cadre mentionné survient bien avant l’initiative. Pour ce qui est du cas de Darius Rochebin, qui est intervenu en 2017, nous avions préparé une communication réactive, une explication des mesures prises si cela avait été rendu public. Mais nous faisons cela systématiquement pour les personnalités qui sont à l’antenne.
Une pétition a été signée par 700 collaborateurs. La direction de la RTS est-elle encore crédible?
Oui, elle l’est, car elle a réagi vite et de manière parfaitement sincère. Elle a la ferme intention d’améliorer rapidement la situation et bénéficie du soutien de toute la SSR.
La presse alémanique dit que cette «affaire Rochebin» est déjà devenue une «affaire SSR». Craignez-vous qu’elle ne devienne politique?
Je pense que le service public doit se comporter de manière exemplaire et rendre des comptes, notamment aux élus. Nous allons expliquer la situation de manière professionnelle sur les mesures que nous comptons prendre pour améliorer la situation actuelle. J’en prends l’engagement.
S’il l’enquête externe devait révéler des failles dans l’examen des cas incriminés, des têtes devraient-elles tomber?
Les résultats des enquêtes externes seront suivis d’effets qui peuvent aller jusqu’au licenciement des cadres, collaboratrices et collaborateurs si un comportement inacceptable devait être avéré. C’est dans le dispositif des sanctions que nous avons à la SSR.
Et à la tête de l’entreprise?
La SSR ne protège personne si des manquements personnels sont avérés.