Des gitans dénoncés pour organisation criminelle
fribourg
La police cantonale fribourgeoise a annoncé vendredi avoir mis au jour une importante affaire d’escroquerie impliquant des gitans français. Les victimes sont souvent des personnes très âgées
La police cantonale fribourgeoise a mis au jour une importante affaire d’escroquerie impliquant des gitans français. Pour la première fois en Suisse à sa connaissance, des gens du voyage seront dénoncés pour organisation criminelle.
Pour une soixantaine d’infractions en Suisse romande, le préjudice total atteint 400’000 francs, plus un million de francs de tentative d’escroquerie. Sur la vingtaine de personnes dénoncées, plusieurs font partie de familles impliquées, par le passé, dans des arnaques totalisant des millions de francs en Suisse. Certaines ont déjà été condamnées en France pour des faits du même genre.
Les principaux protagonistes, repérés lors d’affaires en 2010 et 2012, sont G.D., âgé d’une cinquantaine d’années, et son fils A.T., 25 ans. Ce dernier a été interpellé dans le canton de Vaud et interrogé par la police fribourgeoise.
Il n’a admis que partiellement les faits. Malgré son obligation de rester sur le territoire helvétique jusqu’à la fin de l’enquête, il a quitté la Suisse fin 2012, dès sa libération contre une caution de 32’000 francs.
Tapis d’Orient
La pratique principale consistait à se faire passer pour des importateurs de tapis d’Orient. En concluant une vente, les individus incitaient le client à investir de l’argent (moyennant un bénéfice), soi-disant pour débloquer des lots de marchandise à la douane.
Ils le relançaient ensuite pour de nouveaux montants de plus en plus gros, lui faisant croire que sinon il ne sera pas remboursé. Certains lésés ont même emprunté de l’argent pour le prêter aux malfrats. Les victimes sont souvent des personnes très âgées (85-95 ans).
«Il faut éviter une généralisation», a souligné vendredi devant la presse Florian Walser, chef de la Police de sûreté: tous les gens du voyage qui transitent en Suisse ne sont pas des auteurs d’infractions potentielles. Mais «il s’agit de délivrer un message de prévention à la population», au vu de la vulnérabilité des personnes ciblées.
La police invite à la prudence aussi à l’égard de propositions pour changer de l’argent, aiguiser des couteaux, ou faire des travaux de nettoyage ou de rénovation de bâtiments par des gens du voyage. Elle précise toutefois qu’en 2013 en Suisse romande, il n’y a eu presque aucun cas d’escroquerie pouvant être imputé aux gitans.
Mandats d’arrêt dissuasifs
Un rapport de dénonciation d’une épaisseur inhabituelle (140 pages) a été transmis mi-novembre au Ministère public. Plusieurs personnes ont été et seront placées sous mandat d’arrêt par le procureur Philippe Barboni.
La France n’extrade pas ses ressortissants. Mais les gitans incriminés, qui voyagent beaucoup, «se mettraient en situation délicate» s’ils la quittent, a expliqué le procureur. Selon lui, «ils peineront à revenir en Suisse car ils connaissent les risques encourus» (jusqu’à cinq ans de prison).
Parmi les grosses difficultés rencontrées lors des investigations: les niveaux d’identification des individus sont complexes. Il fallait naviguer entre leurs noms réels, leurs faux noms, et leurs surnoms, souvent beaucoup plus utilisés. Mais l’enquête a conclu à l’existence d’un seul et même clan familial.
De plus, des victimes hésitent à se signaler par honte de s’être fait avoir. Les escrocs présumés ont «l’art du dialogue», ont expliqué les intervenants en conférence de presse: ils abordent leurs cibles de façon sympathique, puis les mettent sous pression par une présence insistante, voire en leur téléphonant plusieurs fois par jour.