Se faire tester en cinq minutes, sans sortir de sa voiture et sans besoin de passer par un médecin, c’est possible depuis quelques jours à Berne. Un centre de dépistage drive-in a été ouvert le jeudi 2 avril sur le parking du centre des expositions BEA. Ce projet pilote pour la Confédération peut effectuer 500 tests par jour, une capacité qui pourrait être montée à 1000 en cas de besoin. «Nous voulions offrir une solution de dépistage simple, accessible rapidement et sans procédure lourde, relève le conseiller d’Etat bernois Pierre Alain Schnegg, directeur de la Santé. Aujourd’hui, beaucoup de gens n’ont plus de médecin de famille à qui s’adresser. D’autres ont peur de se rendre dans un hôpital.»

Inscriptions sur internet

Concrètement, les personnes désirant se faire tester doivent s’inscrire sur le site internet Coronacheck.abilis.ch et répondre à un questionnaire en ligne. «Tout le monde ne peut pas venir, prévient le chef du projet Jan von Overbeck, ancien médecin cantonal bernois. Les demandes sont filtrées selon les critères établis par l’OFSP, notamment en termes de symptômes.» Si la personne reçoit un ticket, elle peut se rendre au centre de dépistage, géré par la Croix-Rouge. Des samaritains et un médecin sont constamment sur place. Dans les 24 à 48 heures, la réponse est donnée par le laboratoire. Si le résultat est négatif, les gens sont prévenus par SMS. S’il est positif, c’est un médecin qui va appeler. A noter que le programme est depuis mardi ouvert aux habitants d’autres cantons.

Jan von Overbeck se veut rassurant sur la sécurité de ce système en grande partie numérisé. Ce dernier s’appuie sur une plateforme numérique sécurisée déjà existante, Abilis, développée par la coopérative des pharmaciens suisses Ofac. «Nous avons des critères de sécurité stricts quant à la protection des données, confirme Martine Ruggli, la porte-parole de l’Ofac. Ce sont ceux fixés par la Confédération, les mêmes que pour le dossier électronique du patient. Les transmissions d’informations entre autorités, laboratoires et clients sont totalement sécurisées.»

Aujourd’hui, Berne est disposé à mettre son programme à disposition clés en main à d’autres cantons, par le biais de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS), qui doit d’ailleurs en parler lors de sa réunion de ce jeudi 9 avril. Reste qu’en Suisse romande, on se montre plutôt réticent. Genève a déjà dit non à un projet similaire proposé par un acteur privé. Neuchâtel ne se lancera pas: «Nous avons déjà sept centres de dépistage dans le canton, note le conseiller d’Etat Laurent Kurth, chef du Département de la santé. Organiser un drive-in, c’est mobiliser encore plus de personnel, avec des doutes sur la fiabilité au vu des conditions de réalisation et la crainte de tester des gens asymptomatiques qui pourraient par la suite avoir des comportements dangereux.»

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Dans le canton de Vaud, on demeure également sceptique. «Nous avons trouvé notre rythme de croisière, les personnes qui doivent se faire tester peuvent déjà le faire», souligne le médecin cantonal Karim Boubaker. Il précise que le canton a compté jusqu’à 14 centres de dépistage et que plusieurs centaines de tests sont effectués chaque jour, avec un pic à 1200 le 18 mars. Sur le fond, enfin, le Vaudois ne voit pas l’intérêt de contourner les médecins au moment où il faut choisir de tester ou non. Au contraire, il plaide plutôt pour qu’ils soient impliqués dans le processus d’accompagnement des malades.

En cours d’évaluation à Fribourg

Seul Fribourg se montre intéressé par le projet bernois, en cours d’évaluation dans le canton. «Nous sommes au début de nos réflexions, souligne la médecin cantonale Stéphanie Boichat Burdy. La question est de savoir comment ce système peut venir en appoint à nos filières de dépistage régionales déjà existantes et à quelle typologie de personnes il peut s’adresser.» Pour la Fribourgeoise, il est certain que les patients à risque ou ceux présentant des symptômes prononcés doivent bénéficier d’un avis médical. «Un système de drive-in n’est clairement pas fait pour eux», conclut Stéphanie Boichat Burdy, qui reconnaît néanmoins que ce programme plus automatisé pourrait être intéressant dans le cas où l’OFSP orienterait sa stratégie vers un dépistage plus généralisé.

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Face aux différents doutes, Berne défend sa stratégie. «Il s’agit d’une question de politique, insiste Jan von Overbeck, infectiologue de formation. Nous pensons que pour endiguer une épidémie, il faut tester le plus de monde possible. Cela permet de mieux cibler les quarantaines, mais aussi de soutenir l’économie en permettant à des gens testés négativement de retourner plus vite au travail.» Le conseiller d’Etat Pierre Alain Schnegg voit également plus loin: «Ce drive-in permet d’engranger de l’expérience pour la suite, entre autres, quand il faudra mener des tests sériologiques à large échelle pour identifier les personnes immunisées contre le Covid-19.»