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Le grand pénaliste genevois Gérald Benoît s'est éteint

L'avocat, spécialiste des causes difficiles, avait plaidé au procès du pirate de l'air Hussein Hariri. Il avait aussi été désigné pour la défense de Fabrice A., le bourreau d'Adeline. Le barreau perd une figure qui savait transmettre sa passion

Gérald Benoît lors d'un voyage en Polynésie. — © DR
Gérald Benoît lors d'un voyage en Polynésie. — © DR

Lors de sa dernière plaidoirie devant une cour criminelle, il promettait l'Enfer de Dante et son fleuve de sang à l'assassin d'un retraité. Lui-même a très certainement rejoint le paradis des avocats remarquables. Gérald Benoît s'est éteint dimanche matin à l'âge de 68 ans. L'homme de loi s'était illustré dans des causes difficiles et même dangereuses. Le dossier du terrorisme arménien lui avait valu une sauvage agression dont il gardera de graves séquelles.

A Genève, il faisait partie de l'école des grands. Stagiaire, puis associé du légendaire Raymond Nicolet, Gérald Benoît a marqué l'histoire judiciaire avec un style bien à lui. Il privilégiait la connaissance des dossiers aux effets de manche, le ton posé aux éclats de voix, le respect des magistrats au conflit permanent. Un atypique au pays des prétoires électrisés. Cela ne l'empêchait pas d'être un défenseur coriace et prêt à porter avec énergie les causes les plus perdues.

Les dossiers terroristes

En 1982, Gérald Benoît assistait ainsi un jeune activiste arménien qui avait assassiné de trois balles dans le dos un employé du consulat de Turquie à Genève. L'avocat avait aussi défendu un autre membre de l'Armée secrète pour la libération de l'Arménie, arrêté lors de l'explosion de la bombe qu'il était en train d'assembler dans un hôtel de la place. L'homme de loi a payé ces affaires de sa personne. Agressé au nunchaku par trois inconnus, il souffrira longtemps de multiples fractures au fémur et d'une angoisse certaine.

Mais pas encore de quoi le faire renoncer. En 1989, Gérald Benoît plaidait, avec à ses côtés le tout jeune Eric Hess, devant la Cour pénale fédérale au procès de Hussein Hariri, ce pirate de l'air libanais condamné à la prison à vie pour avoir détourné l'avion d'Air Afrique sur l'aéroport de Genève et exécuté un passager au nom de la résistance arabe.

Un brillant pédagogue

La démarche nonchalante, le sourire accueillant, une Gitane fumante à la main, Gérald Benoît cultivait la discrétion. Il aimait se retirer pour lire dans sa cabane d'Hermance, cuisiner pour ses amis, prendre soin de ses deux boas ou encore voyager à Tahiti, là où, tout jeune plaideur, il avait sauvé des indépendantistes de la peine de mort. Il pouvait compter sur sa sœur, colonne vertébrale de l'étude, pour que l'organisation fonctionne.

Au Palais de justice, sa présence se faisait plus rare. C'était compter sans les nominations d'office. En 2013, le sort le désignait pour être l'avocat de Fabrice A., le bourreau du drame de La Pâquerette. Yann Arnold, son associé à l'étude et dans cette défense, se sent désormais orphelin. «Il avait toujours le mot juste. On ne pouvait être qu'envoûté par sa manière limpide et percutante de plaider».

Ses anciens stagiaires le décrivent tous comme une personne d'une grande humanité, très disponible et toujours à l'écoute. «Gérald Benoît m'a donné le goût et l'envie de continuer ce métier», explique Eric Hess. Olivier Boillat, devenu juge des mineurs, se rappelle aussi un maître qui «savait transmettre sa passion du pénal». Une flamme qui lui survivra.