Martin Vetterli, le futur président de l’EPFL, s’inquiète: «Ces prochaines années, l’Union européenne aura tellement d’autres chats à fouetter avec le Brexit que la Suisse va disparaître des radars. Nous risquons donc de sortir d’Horizon 2020, ce qui représente des centaines de millions d’euros en moins pour la recherche en Suisse.» La participation complète des hautes écoles suisses au programme de recherche européen Horizon 2020 est en effet liée à une condition posée par l’UE: la ratification du protocole qui étend la libre circulation à la Croatie et qui est actuellement en discussion au parlement fédéral.

Compte à rebours

«Le Brexit ne va probablement pas faciliter l’avancée du dossier. La situation actuelle ajoute de l’instabilité et des difficultés dans un univers qui a besoin de prévisibilité et de visibilité, ce n’est pas bon», ajoute le conseiller national Fathi Derder (PLR/VD). L’élu se montre un peu moins pessimiste que Martin Vetterli quant à l’impact du Brexit sur la recherche suisse. La commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national, dont il est membre, ajoutera cette question à l’ordre du jour de sa prochaine séance, jeudi prochain.


Pour les scientifiques, le compte à rebours est lancé depuis un moment: l’association partielle aux programmes de recherche arrive à échéance à la fin 2016; le protocole doit être ratifié avant la fin de l’année pour ouvrir la participation complète à Horizon 2020. Le recteur de l’Université de Genève, Yves Flückiger, sonne l’alarme depuis plusieurs mois. La science suisse a déjà subi les conséquences de deux ans de régime d’association partielle, martèle-t-il: entre 2007 et 2013, la Suisse coordonnait 3,9% des projets (soit 972); très bien placée parmi ses pairs, elle figurait en 7e position; dans le cadre d’Horizon 2020, la Suisse a chuté à la 24e place, n’en coordonnant que 0,3% (15 projets).

Royaume-Uni très touché

Le Brexit frappera de plein fouet les chercheurs britanniques. «De nombreuses interrogations pèsent maintenant sur la poursuite des programmes de recherche européens, estime Cenni Najy, assistant en sciences politiques à l’Université de Genève, spécialiste du dossier européen pour Foraus. Comme la Suisse, le Royaume-Uni est un bénéficiaire net des programmes européens, ce qui représente des milliards d’euros pour ses chercheurs. Ces programmes vont-ils s’achever abruptement ou se poursuivront-ils jusqu’à leur échéance?»

Actuellement, la Grande-Bretagne est très bien positionnée dans les classements européens: elle figure en première position pour la coordination de projets et la distribution des bourses (ERC Grants). Des questions vont rapidement se poser notamment pour l’un des principaux projets, un flagship à l’image du «Human Brain Project»: le projet «Graphene». Plusieurs universités britanniques sont en effet très impliquées dans les recherches qui touchent la physique des matériaux et disposent d’un budget énorme.

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