Les caisses de pension suisses ne seraient pas en reste: elles investiraient entre 4 et 12 milliards de francs dans des entreprises d’armement, avant tout par l’intermédiaire de fonds indexés. En conclusion, votre argent, que vous le vouliez ou non, est peut-être investi dans la production d’armes, qui peuvent être des armes atomiques, à sous-munitions ou encore des mines.
Avec la nouvelle initiative qu’il lancera mardi, le GSsA change de registre et s’attaque au «commerce de la guerre» et à l’éthique financière. Soutenu par le Parti socialiste, les jeunes Verts et des ONG pacifistes, son texte vise à interdire plus précisément aux banques, caisses de pension et fondations de financer des entreprises qui réalisent au moins 5% de leurs chiffres d’affaires au travers de la fabrication de matériel de guerre. Cette initiative doit venir compléter l’article 107 de la Constitution suisse qui indique que la Confédération «légifère afin de lutter contre l’usage abusif d’armes, d’accessoires d’armes et de munitions».
Initiative à la sauce hollandaise
Fonds de placement, participations, actions: alors que ces produits financiers peuvent avoir des structures complexes, la précision des chiffres avancés par le GSsA surprend. L’organisation s’appuie dans son argumentaire principalement sur une source hollandaise, l’association PAX, à la base un mouvement catholique international pour la paix. Basée à Utrecht, cette organisation publie chaque année le rapport «Don’t bank on the bomb» qui décortique les liens entre l’industrie d’armement et la finance. Elle travaille en collaboration avec Profundo, institut spécialisé dans la recherche sur la responsabilité sociale et les investissements éthiques. «Il s’agit de données vérifiées et non fantaisistes, assure Lewin Lempert, secrétaire du GSsA. Les chiffres concernant la BNS sont issus d’un département d’Etat américain. En ce qui concerne les banques, ils proviennent de la publication «Don’t bank on the bomb». L’association PAX élabore son rapport en s’appuyant sur des chiffres de l’agence Bloomberg.»
La lecture du dernier rapport «Don’t bank on the bomb» fournit des indications un peu plus précises sur les affirmations du GsSA. En l’espèce, les participations concernant UBS et Credit Suisse par exemple, concernent notamment les entreprises Boeing, Airbus, ou encore Raytheon qui fabriquent tant des produits civils que militaires. Raytheon est considéré comme le concepteur du micro-ondes, mais il commercialise aussi des missiles Tomawahk ou encore des armes à sous-munitions.
RUAG pas concerné
En ciblant ces groupes cotés en bourse qui ont leur siège à l’étranger, le GSsA compte tranquilliser les entreprises suisses notamment RUAG. «L’Etat ne figure pas parmi les acteurs concernés par notre initiative. RUAG, à 100% en mains de la Confédération, ne serait donc pas touché», assure Lewin Lempert.
Membre de la commission de politique de sécurité, le conseiller national Raymond Clottu (UDC/NE) n’est pas rassuré pour autant. Il parle d’une nouvelle «absurdité» du GSsA: «Sans l’industrie d’armement et ses innovations, nous en serions encore au temps des charrettes! Et la définition même de cette industrie n’est pas claire. Nous avons des entreprises de décolletage qui fournissent de petites pièces à des producteurs d’armement. Seront-elles concernées? Il faut être prudent. Des places de travail sont en jeu».
Le Neuchâtelois note aussi que la législation actuelle, qui interdit le financement direct et indirect de matériel de guerre prohibé comme les armes atomiques ou à sous-munitions, est déjà stricte et donne lieu à des contrôles. Secrétaire du GSsA en Suisse romande, Youniss Mussa conteste: «Cette loi est risible et passe clairement à côté de son but. Elle est entrée en vigueur en 2013. Or on observe qu’à partir de 2013, les investissements d’UBS et de Credit Suisse dans l’industrie d’armement ont augmenté».
Lutter contre les migrations
Pour le Groupe pour une Suisse sans armée, il s’agit pour la Suisse de se montrer cohérente par rapport à sa politique de bons offices et de promotion de la paix. Et à l’adresse de l’UDC, il ajoute que ce serait aussi une manière de prévenir les migrations. «Des armes, dont la production est financée par notre place financière, sont utilisées en Syrie ou encore au Yémen. L’adoption de notre initiative ne ramènera pas la paix dans le monde, bien sûr. Mais elle marquerait une direction. Nous avons besoin de mesures concrètes pour lutter contre les conflits», plaide Youniss Mussa.
Raymond Clottu soupire. «Au niveau géopolitique, de nombreux pays désinvestissent dans l’armement et pourtant les conflits sont légion!». Pour l’heure, la caisse de pension de la ville de Zurich, la ville de Berlin, ou encore le fonds souverain norvégien ont exclu les industries d’armement les plus sulfureuses de leur portefeuille d’investissement.