Vente en ligne
Le parlement confirme sa volonté de protéger les hôteliers suisses contre les géants des offres en ligne. Le surveillant des prix a ouvert une procédure pour soupçon de prix abusifs contre la plus grande plateforme de réservation

Rien ne va plus entre, d’un côté, Booking.com et, de l’autre, le parlement suisse et le surveillant des prix. Après le Conseil des Etats en mars, le Conseil national a transmis lundi, par 120 voix contre 52 et 10 abstentions, une motion du conseiller aux Etats Pirmin Bischof (PDC/SO) qui vise à mettre un terme à l’interdiction faite aux hôteliers suisses d’offrir sur leurs propres pages internet des tarifs plus avantageux que sur les sites de réservation en ligne. Ce dossier divise ceux qui considèrent que le numérique offre aux propriétaires d’hébergements une résonance mondiale et ceux qui jugent excessives et abusives les commissions réclamées par Booking.com.
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Selon une étude de l’Institut du tourisme de la HES-SO Valais, les commissions versées par les hôteliers suisses aux agences de voyages en ligne (online travel agencies, OTA) se sont élevées à 150 millions de francs en 2016. Elles sont très variables d’un établissement à l’autre et en fonction du type de clientèle. Les trois principales OTA ont dégagé un revenu global de 1 milliard de francs durant la même année, estiment les auteurs de l’enquête.
Et c’est, sans surprise, Booking.com qui se taille la part du lion. Sa position sur le marché est estimée à 73,3% (71% en 2015), contre 11,9% pour le numéro deux de la branche, Expedia, et 7,8% pour Hotel Reservation Service (HRS). La part des réservations faites via ces plateformes en ligne est passée de 20,6% en 2015 à 27,3% en 2016. Et elle va continuer de progresser: la HES-SO Valais pronostique qu’elle dépassera 50% de l’ensemble des réservations d’ici à 2020.
Des mesures prises dans d'autres pays
Hotelleriesuisse reconnaît le rôle joué par ce vecteur de vente. «Pour les hôteliers, la possibilité d’atteindre une clientèle globale est un atout inestimable», admettait le responsable de la politique économique de l’association, Christophe Hans, dans ces colonnes (LT du 15.09.2017).
En revanche, par les commissions qu’elles demandent aux exploitants et par la clause qui les empêche de proposer des tarifs plus bas sur leurs propres sites, les OTA «restreignent leur liberté entrepreneuriale. C’est comme si un grand distributeur défendait au paysan de vendre ses produits à la ferme meilleur marché que sur les étals des grands magasins», poursuit-il.
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Hotelleriesuisse fait valoir que les pays voisins, France, Allemagne, Autriche et Italie, ont déjà pris ou vont prendre des mesures pour permettre aux hôteliers d’offrir des prix inférieurs à ceux que propose Booking.com. Cet argument a convaincu une majorité de conseillers nationaux d’adopter la «lex Booking» afin d’éliminer une «distorsion de concurrence entre des acteurs de forces inégales dans un contexte de changement structurel rapide dans la branche du tourisme», argumente Guillaume Barazzone (PDC/GE), rapporteur de commission.
Combattre les «passagers clandestins»
Mais il y a l’autre camp, qui défend les avantages des plateformes numériques. Celles-ci permettent de comparer les offres, d’en avoir une vue d’ensemble et de choisir la meilleure au meilleur prix, argumente Kathrin Bertschy (PVL/BE). Il s’agit aussi de combattre les «passagers clandestins», c’est-à-dire les clients qui s’informent sur Internet mais réservent ensuite leur chambre directement sur le site de l’établissement sélectionné.
Pas de «solution amiable» proposée
Le parlement n’est pas le seul à avoir Booking.com dans le collimateur. La Commission de la concurrence (ComCo) est pour l’instant en position d’attente. Mais le surveillant des prix vient d’annoncer l’ouverture d’une procédure pour soupçon d’abus de prix. Les deux parties se sont rencontrées en juin.
Booking.com estime «avoir démontré que le montant des taux de commission était approprié par rapport à celui des concurrents et à ceux de pays comparables». La société rappelle que ses prix n’ont pas augmenté depuis 2010 mais n’envisage pas de les baisser. Le surveillant des prix lui reproche de ne pas être entrée en matière sur la recherche d’une «solution amiable» et a donc décidé d’ouvrir une procédure. Elle pourrait déboucher sur une décision qui pourra ensuite être attaquée devant le Tribunal administratif fédéral.