La guerre de la libre circulation des personnes est lancée. Elle opposera le Conseil fédéral et la majorité des partis politiques à l’UDC de Christoph Blocher. Les premiers confirment leur attachement à ce principe européen, les seconds préparent une initiative populaire qui demandera son abolition.

Le Conseil fédéral a mis en consultation mercredi, et cela pendant un tout petit mois, ses deux variantes de contre-projets à l’initiative populaire «Sortir de l’impasse», dite RASA (de son acronyme allemand), qui demande la suppression pure et simple de l’article constitutionnel sur l’immigration adopté le 9 février 2014. Annoncées en décembre, ces deux variantes proposent de retoucher cet article constitutionnel sur deux points.

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Oublier la date du 9 février 2017

La première proposition suggère d’exclure les «accords internationaux d’une grande portée pour la position de la Suisse en Europe» du champ d’application des contre-feux migratoires (contingents, plafonds). Dans son argumentaire, le gouvernement précise qu’il s’agit non seulement de la libre circulation, mais aussi de l’accord-cadre Suisse-Liechtenstein, de la Convention européenne des droits de l’homme (EDH) et de conventions onusiennes telles que celle qui concerne le statut des réfugiés.

Elle prévoit aussi de supprimer la clause transitoire de l’article constitutionnel, qui exigeait du Conseil fédéral qu’il agisse par voie d’ordonnance si aucune solution n’était trouvée dans les trois ans qui suivent l’adoption de l’initiative de l’UDC sur l’immigration, soit avant le 9 février 2017. La seconde proposition se limite à la suppression de cette disposition.

Le Conseil fédéral répond ainsi à Christoph Blocher, qui, dans une interview publiée dans la «NZZ» de mercredi, considère qu’il reste «neuf jours» au gouvernement pour promulguer une ordonnance d’application. Le leader de l’UDC estime que la loi adoptée par le parlement en décembre n’est pas une mise en œuvre de l’article constitutionnel.

Adaptations ultérieures?

Le Conseil fédéral livre une approche différente. Il juge que la loi, qui accorde la priorité aux chômeurs sur le marché de l’emploi, «va dans le sens de l’article constitutionnel sur l’immigration», sans toutefois l’appliquer strictement. Un référendum a d’ailleurs été lancé par une constellation hétéroclite de quatre comités. Le délai de trois ans peut être supprimé, juge le gouvernement.

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Celui-ci souligne que l’article constitutionnel n’exige pas la résiliation de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) et que le peuple suisse a plusieurs fois confirmé son attachement aux traités bilatéraux. Il rappelle par ailleurs que, contrairement à la première qui scellerait durablement la validité de l’ALCP, la seconde variante proposée permettrait de l’adapter ultérieurement en cas de nécessité ou si la situation changeait au sein de l’UE.

Christoph Blocher tire à boulets rouges sur la libre circulation. «Sans ce principe, il n’y aurait ni Trump, ni Brexit, ni Le Pen, ni Wilders, ni l’AfD [ndlr: l’Alternative für Deutschland de Frauke Petry] ni Beppe Grillo.» Il confirme la préparation, en collaboration avec l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASiN), d’une initiative populaire qui interdirait de signer des accords de libre circulation ou qui restreindraient la souveraineté et la liberté d’action de la Suisse. Le projet sera soumis à l’assemblée des délégués de l’UDC en juin et l’initiative sera lancée cet été ou cet autonome, annonce-t-il.

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Sur quoi votera-t-on?

Hormis le soutien de l’ASIN, l’UDC sera bien seule pour mener ce combat. Dans les états-majors des autres partis, on reste attaché à l’ALCP. Mais les deux contre-projets à l’initiative RASA présentés par le Conseil fédéral ne convainquent guère. Le PLR annonce qu’il fera ses propres propositions, le PDC tient à conserver la possibilité d’une adaptation ultérieure de l’ALCP alors que le PS veut profiter de l’occasion pour «approfondir et développer de bonnes relations avec l’UE». Le comité de l’initiative RASA examinera les contre-propositions avec attention.

La consultation est extrêmement courte – un mois – en raison du délai de traitement de l’initiative RASA. Le Conseil fédéral doit en effet transmettre son message au parlement au plus tard le 27 avril. Sur quoi le peuple sera-t-il appelé à voter concrètement? Difficile à dire. Il n’est pas certain que le référendum aboutisse. A ce stade, les deux contre-projets peinent à convaincre. Au sein des partisans de RASA, certains se satisfont de la loi d’application adoptée par le parlement. Il ne pourrait donc rester que l’initiative de l’UDC réclamant la résiliation de l’ALCP.