Le Temps: Comment se sont passées vos auditions?

Guy Parmelin: J’ai un bon sentiment. Les positions sont souvent connues, mais c’est utile pour cerner la personnalité des candidats. J’ai été surpris de certaines questions sur la vie privée.

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Par exemple sur votre supposée consommation d’alcool?

Non. J’ai démenti cette rumeur sans aucun fondement. On m’a demandé ce que j’avais fait dans ma vie hors de la politique. J’ai répondu que j’avais fait du football, de l’arbitrage, que j’aimais la musique classique, que je lisais beaucoup, des biographies – je viens de terminer celle consacrée à Lincoln – ou des bandes dessinées, comme Blueberry ou Blake et Mortimer.

Vos aptitudes linguistiques ne semblent pas à votre avantage face à vos concurrents.

Je comprends qu’on m’interroge sur cela, mais est-ce le plus important pour diriger un département? Je n’ai jamais caché que je ne maîtrisais pas le suisse-allemand. Ma connaissance passive du Hochdeutsch est bonne, même si j’ai plus de peine à trouver mes mots. J’ai donné deux interviews en allemand ces derniers jours. On m’a posé une question en anglais lors des auditions. Je n’ai pas de problème de compréhension, mais, quand je m’exprime, j’ai tendance à mélanger avec l’allemand.

Vous n’avez pas non plus d’expérience d’exécutif. Vous auriez pu, mais vous n’avez pas voulu aller au Conseil d’État vaudois. Pourquoi?

J’avais dit clairement alors que je privilégiais mes dossiers fédéraux. Maintenant je suis prêt à passer à l’étage supérieur. J’ai quatre ans d’expérience parlementaire de plus.

Vous aviez même dit que vous n’étiez pas un homme d’exécutif…

A l’époque, c’était valable. Le législatif m’a toujours plu, tout en étant capable de diriger. J’ai présidé pendant quatre ans la section vaudoise d’un grand parti, formé de nombreux stagiaires du Poly et été caporal à l’armée.

Un caporal ne commande pas un grand nombre de personnes…

Vous devez quand même prendre des décisions. Mais je suis d’accord, c’est un groupe de huit à dix personnes, pas de mille. D’autres, comme Alain Berset, sont aussi arrivés au Conseil fédéral sans expérience d’exécutif.

Il y a déjà deux Romands au Conseil fédéral, comment justifier la présence d’un troisième?

D’abord, les présidents des deux autres grands partis de Suisse ont exigé de l’UDC qu’elle présente un représentant des minorités linguistiques. L’UDC joue le jeu, elle en présente même deux.

On vous prête depuis pas mal d’années l’envie d’être conseiller fédéral, sans qu’elle ait toujours été prise au sérieux. Aujourd’hui, avez-vous le sentiment d’une revanche face à ceux qui vous ont sous-estimé?

Je n’ai pas de revanche à prendre sur quiconque, n’ai pas d’agenda caché. Pascal Couchepin rêvait peut-être depuis le berceau d’aller au Conseil fédéral. Il est tellement aléatoire se trouver au bon endroit au bon moment. Je me suis décidé d’aller jusqu’au bout au cas où je serais retenu, avant même qu’on connaisse la décision d’Eveline Widmer-Schlumpf.

Vous avez été présenté comme le candidat de l’Arc lémanique. Mais au vu de vos votes sur le fonds ferroviaire (FAIF) et la péréquation financière, on peut légitimement se demander si vous avez vraiment défendu les intérêts de la région?

J’ai défendu les intérêts de la région sur les forfaits fiscaux et contre toutes les initiatives fiscales de la gauche qui sont extrêmement dommageables pour Vaud et Genève. J’ai soutenu l’augmentation du prix de la vignette autoroutière, contrairement à mon parti, car je suis sensible aux besoins des régions périphériques. Si je n’ai pas soutenu le fonds ferroviaire, c’est parce qu’on ne peut plus déduire l’intégralité des frais de transport. Pour la péréquation, j’ai privilégié l’assainissement des finances plutôt que la redistribution.

La croissance de la région lémanique est basée sur la libre circulation. Votre positionnement sur la question – vous êtes dans le comité de l’initiative contre l’immigration de masse – pose un problème. Voulez-vous mettre fin à ce modèle de développement?

Il faut le maîtriser. J’ai rencontré de jeunes pères de famille qui travaillent pour des multinationales de la région. Quand ils demandent une augmentation, on leur répond que dix personnes attendent devant la porte. Ils se sentent discriminés dans leur propre pays voyant que des collègues scandinaves sont aidés pour payer loyer et école privée. On doit se demander si ce modèle est viable à long terme. L’UDC n’a jamais réclamé la fermeture complète des frontières. Je vois du reste qu’on s’achemine discrètement vers un déblocage du conflit avec l’UE, soit sous la forme d’un compromis qui respecte l’article constitutionnel soit sous la forme d’une adaptation de l’article constitutionnel.

Le discours de l’UDC, le vôtre notamment, évolue. Vous commencez à être plus ouvert. Constatant qu’il y a un besoin de main-d’oeuvre, vous n’excluez pas une modification de l’article constitutionnel?

On peut entrer en matière sur tout, pour autant que le résultat soit une meilleure maîtrise de l’immigration. Si l’on continue d’enregistrer 70 000 ou 80 000 personnes de plus chaque année, l’UDC ne sera pas d’accord. Je sens que les milieux économiques sont aussi prêts au compromis. On a peut-être une marge de manœuvre autour de la question du regroupement familial. Il faut le limiter aux parents et aux enfants en bas âge.

Les milieux économiques avaient averti que, en cas d’acceptation de l’initiative, les accords bilatéraux seraient remis en question. Que répondez-vous?

Nous sommes convaincus qu’ils ne seront pas remis en question. Comme l’a très bien dit le secrétaire d’État Jacques de Watteville, chaque partie a intérêt à trouver une solution, vu le nombre de frontaliers, l’imbrication des économies. Nos voisins peuvent être mécontents et vouloir faire pression, mais je doute qu’ils veuillent actionner cette clause guillotine.

Le droit national doit-il systématiquement primer sur le droit international comme le demande une nouvelle initiative de l’UDC?

Cette initiative ne demande pas à la Suisse de résilier la Convention européenne des droits de l’homme. Le Tribunal fédéral applique les droits de l’homme et la Suisse n’est quasiment jamais condamnée à Strasbourg. Mais l’interprétation que certains juges font de cette convention peut, dans quelques cas, poser problème. Je pense à ce Nigérian condamné pour trafic de drogue venu déposer une demande d’asile en Suisse muni de faux papiers. La justice suisse a confirmé le retrait de son autorisation de séjour mais Strasbourg a cassé cette décision sous prétexte qu’il avait des enfants en Suisse. Cela ne va pas. La Suisse n’est pas le seul pays à critiquer certaines dérives dans l’interprétation de cette convention.

Comme tous les UDC, vous êtes libéral sauf dans un domaine: l’agriculture.

La politique agricole 14-18 est une erreur fondamentale. On confie à l’agriculture des missions qui doivent relever du budget de la protection de l’environnement. Cela ne fait qu’accentuer le lien de dépendance créé entre l’agriculture et les budgets publics. Et, si on veut pérenniser les exploitations agricoles dans ce pays, il faut ne faut en aucun cas diminuer les protections à la frontière.

La réforme de la prévoyance vieillesse passe pas la baisse du taux de conversion du deuxième pilier. Comment compenser cette baisse de rente?

En aucun cas en donnant suite à la proposition du Conseil des Etats, qui prévoit d’augmenter les rentes de l’AVS de 70 francs uniquement pour les nouveaux retraités et passe par une hausse des cotisations salariales. Si Alain Berset avait présenté cette solution lui-même, il aurait été pendu haut et court sur la place publique. Il ne faut pas mélanger le premier et le deuxième pilier. Je n’exclus pas qu’on recoure partiellement à la TVA. Mais je ne suis pas sûr qu’on puisse proposer une compensation complète. Et il ne faut pas voir trop loin. Limitons cette réforme aux besoins estimés d’ici à 2030. Envisageons plus tard une seconde réforme pour les années suivantes. C’est dans ce cadre qu’il faudra aborder la problématique de l’âge de la retraite, qu’il faudra peut-être augmenter.


«Je suis plus proche d’Alain Juppé que de Marine Le Pen»

Parfois traité de modéré, Guy Parmelin revendique au contraire son glissement à droite. Les politiciens qu’il admire: Alain Juppé, Margaret Thatcher et Tony Blair. Pas Marine Le Pen.

Etes-vous plus modéré que la moyenne de l’UDC, comme on l’entend parfois?

On m’a collé cette étiquette de modéré mais c’est Le Temps qui a constaté que je m’étais droitisé » depuis mon arrivée au Conseil national en 2003. Et je ne le conteste pas. Il y a plusieurs raisons à cela. C’est lié à la politique menée en matière de dépenses. Lorsque j’étais au Grand Conseil vaudois, je n’ai connu que des déficits. Le canton n’avait aucune marge de manœuvre. En venant à Berne, j’ai entièrement adhéré à la prudence demandée par l’UDC dans ce domaine. Quand je vois certains projets qui coûtent très cher, comme la Prévoyance vieillesse 2020, je me dis qu’il faut tirer le frein à main. C’est aussi lié à la sécurité. On a trop laissé dériver les choses et il faut durcir le ton. Ces deux aspects expliquent ma glissade à droite. Ceux qui continuent de me coller l’étiquette de modéré ne regardent pas mes votes. C’est peut-être le ton que j’utilise qui explique cela. Je n’insulte jamais mes adversaires.

Lors des auditions, certains vous ont trouvé un peu «pépère».

Cela m’a fait rire. Je n’ai aucune raison d’être agressif et ne le suis jamais.

Vous sentez-vous une certaine proximité avec Marine Le Pen?

Pas du tout. Je serais plus proche d’Alain Juppé. Le programme économique de Marine Le Pen est une catastrophe pour la France. Les caisses publiques sont déjà vides et son programme social va coûter cher et les videra encore davantage.

A part Alain Juppé, avez-vous un modèle politique, un inspirateur autre que Christoph Blocher?

Christoph Blocher n’est pas mon inspirateur, mais il a un sens stratégique et politique assez remarquable. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui: j’avais soutenu le congé maternité et le partenariat enregistré, mais n’irai pas jusqu’au mariage pour tous. J’avais beaucoup d’admiration pour la manière dont Margaret Thatcher a réformé la Grande-Bretagne. Elle a fait ce que la France n’a pas fait. Elle a cassé les reins à une certaine gauche dogmatique pour initier de grandes réformes économiques. Elle l’a peut-être fait un peu brutalement mais ça a permis à son pays de sortir de l’ornière. Dans la foulée, le discours de Tony Blair sur le New Labour peut séduire à droite car il inclut quelques réflexions libérales.