Ils sont jeunes et inexpérimentés en politique, mais ils débordent d’idées. Lors d’une rencontre participative organisée au Gymnase de Bienne, les étudiants ont fait preuve d’une force de proposition stimulante. Trois d’entre eux, Némo Graells, David Jenny et Luca Mauron, ont lancé l’idée d’un service citoyen environnemental à titre d’alternative au service militaire et au service civil.

En cette année électorale, Le Temps a décidé de soumettre à tous les candidats et candidates une charte concernant l’un des problèmes majeurs du moment, celui du réchauffement climatique. Mais pas question de la rédiger dans la tour d’ivoire de quelques experts. Dans l’idée d’y associer la population, notre média organise des rencontres avec la population dans tous les cantons de Suisse occidentale. A Bienne, quelque 80 étudiants ont accepté de participer à l’exercice.

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Un défi pas facile à relever. Si tous les jeunes sont conscients de la nécessité de réduire les émissions de CO2, ils se sentent parfois démunis face à l’ampleur d’un enjeu planétaire. «A notre échelle, nous n’avons pas les moyens pour agir», observe Luca Mauron. C’est la raison pour laquelle ils se sont réjouis d’avoir l’occasion d’envoyer un message à la classe politique, ce d’autant plus que celle-ci a beaucoup déçu à la suite de l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat en 2015. En décembre dernier, le Conseil national s’est couvert de ridicule en se montrant incapable de mettre sous toit une loi sur le CO2.

Pas antimilitaristes

Les gymnasiens de la classe de Nicolas Berberat ont de 17 à 18 ans et deux d’entre eux ont déjà été convoqués à une réunion d’information sur leur future intégration dans l’armée. «Si déjà nous devons servir le pays, autant que cela soit utile», déclare David Jenny. «Et si nous sommes astreints à un service citoyen, autant le faire en faveur de l’environnement», ajoute Luca Mauron. Tous précisent cependant qu’ils ne partent pas d’une posture antimilitariste, ne remettant pas en question l’armée suisse. «La priorité ne serait simplement plus mise sur l’armée, chaque jeune étant libre de son choix», souligne Némo Graells.

En ce qui concerne les domaines d’engagement, ils citent de nombreuses pistes possibles: le recyclage des déchets, l’entretien et la protection des réserves naturelles, l’aide aux agriculteurs bios locaux, la création de jardins communautaires, le travail de sensibilisation ou encore le conseil dans ces écogestes qui préservent mieux la planète. Des écogestes auxquels les jeunes sont de plus en plus sensibles. L’Association des élèves du Gymnase français de Bienne (AEGB) a mis en place un groupe WhatsApp pour les promouvoir. Son comité a même décidé de créer un sous-groupe de travail chargé de plancher sur des mesures liées à l’empreinte carbone laissée par l’école. En revanche, alors que les étudiants auraient préféré ne pas renoncer à prendre l’avion lors des voyages de maturité, c’est la conférence des maîtres qui a imposé cette mesure.

Inciter plutôt qu’interdire

Les gymnasiens prévoient aussi d’astreindre les femmes à l’une des formes du service, qu’il soit militaire ou citoyen. «Notre groupe n’était composé que de garçons, mais les filles de la classe ne s’y sont pas opposées. Nous allons ainsi dans le sens de l’égalité des sexes», relève Némo Graells. Une proposition qui va dans le sens de celle de l’Association pour la promotion de l’engagement de milice, qui songe à lancer une initiative populaire pour un service citoyen pour les femmes comme pour les hommes.

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Au Palais fédéral, les parlementaires accueillent l’idée des gymnasiens avec bienveillance. Adèle Thorens (Verts/VD) estime qu’il n’y aurait pas forcément besoin de lancer une initiative populaire. «Il faudrait étendre l’offre consacrée à l’environnement dans le cadre du service civil, qui constitue une expérience très enrichissante pour les jeunes», déclare-t-elle. Quant à Isabelle Chevalley (Vert’libéraux/VD), elle émet une réserve: «Sur le principe, c’est une idée neuve. Mais concrètement, il s’agira de bien préciser les domaines d’activité de ce service. Toute la question du traitement des déchets est déjà traitée par des entreprises privées, auxquelles le service environnemental ne devrait pas livrer une concurrence déloyale.»

L’idée est lancée, aux politiques de la saisir au bond ou non. Les jeunes sont prêts à s’engager pour le climat, mais ils leur lancent un dernier message: «Nous sommes favorables à des mesures d’incitation plutôt qu’à des interdictions. Il faut éviter de pénaliser les catégories les plus pauvres de la population.»