sexisme
Formation des agents de police, formulaire de signalement ou encore aménagement d’un espace public plus sûr: les initiatives se multiplient pour lutter contre les incivilités à caractère sexiste. Lausanne fait figure de pionnière

Sifflements, gestes obscènes, regards insistants ou encore poursuites: la Suisse n’échappe pas au harcèlement de rue. Longtemps sous-estimé, banalisé, le phénomène est peu à peu pris au sérieux, notamment grâce à l’élan du mouvement #MeToo. On est cependant très loin de l’élaboration d’une loi pour le réprimer, comme c’est le cas en France. Chargé de présenter un rapport sur le sujet, le Conseil fédéral a finalement répondu que la compétence incombait aux villes, considérant que «les collectivités locales sont mieux à même de prendre des mesures adaptées aux conditions de proximité».
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L’ampleur du phénomène n’est pourtant pas négligeable. En 2016, une enquête menée à Lausanne révélait que 72% des femmes de 16 à 25 ans avaient été harcelées dans l’espace public au moins une fois au cours des douze derniers mois. Par ailleurs, 82% d’entre elles déclaraient ne pas dénoncer les auteurs par manque de moyens à disposition.
«Fléau du quotidien»
Actuellement, le harcèlement de rue n’est pas reconnu par la loi suisse. Seules certaines de ses manifestations (insultes, menaces ou attouchements) sont pénalement répréhensibles. Depuis 2017, les démarches se multiplient pour combler ce vide juridique. Le conseiller national Mathias Reynard (PS/VS) a déposé plusieurs motions et postulats à Berne pour lutter contre ce «fléau du quotidien».
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En avril dernier, la ville de Lausanne s’est illustrée par une vaste campagne de sensibilisation. Une prise de conscience inédite, mais cruciale pour Léonore Porchet, député Verte au Grand Conseil vaudois. «Actuellement, les femmes importunées dans la rue ont deux solutions: baisser les yeux et accélérer le pas ou répliquer et se mettre potentiellement en danger, déplore-t-elle. Il est impératif d’apporter une autre réponse.» La jeune femme rêvait d’une application mobile pour signaler les incidents. La municipalité a préféré un formulaire qui devrait être disponible en décembre.
Repenser l’espace public
Si le tabou est brisé, le harcèlement de rue n’est, selon elle, pas encore un sujet de préoccupation politique majeure. «Beaucoup considèrent que les femmes doivent s’en accommoder, qu’il ne s’agit finalement que de quelques mots, une forme de drague. Il faut être très clair: le harcèlement n’est pas de la drague, mais bien de la violence sexiste.»
A Genève aussi les fronts bougent. En mars 2017, Albane Schlechten, conseillère municipale socialiste, a déposé une motion intitulée «Harcèlement de rue, ça suffit!». A ses yeux, la réponse au problème n’est pas seulement répressive. «Illustration du sexisme ordinaire, le harcèlement est une manière de nier la place des femmes dans l’espace public, estime-t-elle. Il s’agit donc de repenser le milieu urbain pour le rendre le plus sûr possible.»
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Cela passe par une réflexion autour des nouveaux aménagements publics: favoriser l’éclairage, la visibilité, l’ouverture, éviter les lieux confinés, les passages souterrains. Autre biais d’action: la formation des agents de police. «Il est crucial qu’ils sachent comment réagir, pour ne pas délégitimer les victimes ou les congédier d’un rapide: ça va aller, rentrez chez vous.» Décidément pionnière, Lausanne a déjà prévu de former policiers, tenanciers de bar, chauffeurs de bus et agents de sécurité.