C’est l’invitée surprise de la dernière ligne droite. Nommée candidate à la succession de Doris Leuthard au Conseil fédéral par le groupe parlementaire PDC, Heidi Z’graggen défiera la conseillère nationale et favorite Viola Amherd (VS) le 5 décembre lors de l’élection par le parlement fédéral. Très demandée, la conseillère d’Etat du canton d’Uri nous a accordé une demi-heure mercredi.

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Avez-vous été surprise que le groupe parlementaire PDC vous choisisse?

Je connaissais déjà des parlementaires fédéraux et n’arrivais pas en terrain totalement inconnu, mais c’était un vrai défi et l’issue me réjouit d’autant plus. Il s’agit par ailleurs d’un signe positif de la part du PDC de nominer deux femmes. Il est louable que cela devienne la normalité, les femmes constituant la moitié de la population.

Les candidats extérieurs au parlement fédéral n’arrivent en général pas à se faire élire, surtout lorsque leur concurrent siège à Berne, comme Viola Amherd dans votre cas. Pourquoi serait-ce différent avec vous?

Mon expérience de 14 ans dans un exécutif m’a permis de pratiquer la concordance au jour le jour, et j’ai montré que je pouvais sceller des alliances et mener à bien de grands projets. Ce travail, on ne le fait pas quand on est parlementaire.

Vous avez fait partie de la présidence du PDC Suisse pendant 9 ans. Pourtant, vous restez peu connue au parlement fédéral…

Je rappelle que je n’étais pas parlementaire fédérale à cette époque, mais représentante d’un gouvernement cantonal. Je dois donc tout donner ces prochains jours pour convaincre le maximum d’élus.

Votre ligne bourgeoise classique est mise en avant, plus à droite que celle de Viola Amherd. Etes-vous d’accord?

Ces étiquettes sont intéressantes [sourire en coin]. J’arrive avec mon bagage, et l’essentiel reste de trouver des solutions pour l’ensemble de la population.

Vous parlez d’étiquette, mais cela vous avantagerait quand même d’être classée plus à droite que votre rivale: elle a les faveurs de la gauche et du centre, ce qui vous oblige à chercher des voix à l’UDC et au PLR…

Il est capital d’intégrer tous les courants dans les décisions du gouvernement. Je me concentre donc sur mes idées et qualités et ne fais pas de hiérarchie entre les partis.

On a l’impression que vous voulez contenter tout le monde…

Non, non, non… cela ne pourrait pas marcher. J’ai évidemment des positions qui plaisent plus aux uns qu’aux autres, et selon les dossiers cela peut changer. Je suis démocrate-chrétienne, pas socialiste, verte, ou UDC.

Si vous êtes élue, vous devrez vous prononcer sur la politique européenne. Approuveriez-vous un accord-cadre institutionnel avec l’UE?

L’Union européenne est certes un partenaire important pour la Suisse, mais c’est aussi le cas dans l’autre sens. Il faut attendre le résultat des négociations et l’analyser pour s’assurer qu’il préserve notre souveraineté.

N’est-ce pas un peu facile «d’attendre le résultat»? N’avez-vous pas une idée précise de ce que vous voudriez obtenir?

J’ai des lignes rouges. Pas de concessions sur les mesures d’accompagnement et la protection des salaires suisses, pas plus que dans les aides d’Etat, où nous devons pouvoir maintenir notre système actuel [par exemple les garanties aux banques cantonales]. Je refuse aussi le droit de citoyenneté de l’Union. La reprise dynamique du droit européen me paraît acceptable, à condition que les décisions définitives soient prises par le Tribunal arbitral et pas par la Cour de justice de l’UE. De même, la Suisse doit pouvoir voter sur le droit qu’elle reprend.

Cela ressemble à l’état provisoire des négociations… Et si le résultat s’avérait différent?

Si nous ne sommes pas satisfaits, alors il faudra renoncer à cet accord et en revenir à la voie bilatérale.

Ne craignez-vous pas des mesures de rétorsion de Bruxelles?

Nous sommes un Etat souverain, avec qui l’UE a tout intérêt à conserver des relations stables. Nous devons rester sûrs de notre force.

Le Pacte de l’ONU pour les migrations fait beaucoup de bruit, bien qu’il soit non contraignant. Y êtes-vous favorable?

Il est important que le parlement puisse se prononcer, et régler la migration sur le plan international me paraît sensé. Mais aujourd’hui je ne signerais pas ce traité.

C’est votre conviction profonde? Ou dites-vous cela maintenant pour ramasser des voix à l’UDC?

Non, j’en suis convaincue. Le texte de l’ONU va très loin. Il aborde notamment la question des prestations sociales en faveur des immigrés, chose dont nous devons pouvoir décider librement en Suisse.

Passons à la réforme de la prévoyance vieillesse. Faut-il relever l’âge de la retraite des femmes?

L’AVS doit être assainie, c’est une assurance sociale capitale. Je soutiens le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, mais à condition de réaliser l’égalité salariale entre hommes et femmes. Et, sur ce point, l’Etat mais aussi l’économie privée doivent prendre leurs responsabilités.

Comment vous positionnez-vous sur les exportations d’armes?

Je suis contente que le Conseil fédéral ait renoncé à libéraliser les exportations d’armes dans les pays en guerre civile. Cela aurait contredit la neutralité de la Suisse et sa longue tradition humanitaire.

Une coalition, qui projette de lancer une initiative populaire, veut aussi interdire les exportations vers les pays violant gravement et régulièrement les droits humains. Qu’en pensez-vous?

Il faut effectivement rester très prudent dans ce domaine, et je suis très sceptique quant aux exportations d’armes vers ces Etats.

Le Conseil fédéral vient de restreindre provisoirement les livraisons à l’Arabie saoudite. Faut-il les interdire sur le long terme?

Cela vaudrait la peine de se pencher sur la question.

 

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