Hervé Falciani, bien sûr, n'est pas venu. Il est resté en France, d'où il n'est pas extradable. Il l'avait annoncé lors de sa conférence de presse, mercredi 28 octobre à Divonne: il ne comparaîtrait pas devant ses juges suisses, dénonçant par avance «une parodie de justice», où on le jugerait lui plutôt que HSBC dont il a dérobé les données d'innombrables évadés fiscaux.

C'était la seconde fois que l'ex-informaticien de la banque HSBC à Genève refusait de se présenter devant le Tribunal pénal fédéral afin d'être jugé pour espionnage économique, soustraction de données et violation du secret bancaire et commercial. La première fois, c'était il y a trois semaines. La cour avait dû repousser les audiences afin de le convoquer une seconde fois pour respecter le code de procédure. L'accusé ne s'étant à nouveau pas présenté sans motif valable, le tribunal pouvait cette fois commencer valablement à le juger en son absence.

«Plus de contact»

Ce n'est pas qu'à ses juges qu'Hervé Falciani ne répond pas. Son avocat lui-même, Me Marc Henzelin, a bien dû confesser qu'il n'avait «plus de contact» avec lui et qu'il n'avait donc pu lui communiquer formellement sa nouvelle convocation.

Les journalistes, eux, ont beaucoup plus de chance – si l'on peut dire. Hervé Falciani, en tout cas, ne refuse pas de leur parler. Au contraire. Ils ont pu l'entendre plus d'une heure, mercredi 28 octobre, dans une salle du Casino de Divonne, en territoire français où il ne risque ni d'être arrêté ni d'être extradé, puisqu'il possède la nationalité française.

L'accusé se moque de la justice

Comme l'a écrit la très factuelle agence de presse financière Bloomberg, «Hervé Falciani se moque de la justice suisse à quelques kilomètres de la frontière». Au moins, en s'étendant longuement sur les raisons qui le poussent à ne pas venir se faire juger en Suisse, Hervé Falciani a-t-il montré qu'il était conscient d'être attendu ce lundi 2 novembre à Bellinzone. «Il est apparemment au courant», en a du moins conclu son avocat, prié par la cour de faire savoir si son client avait été informé.

Le procureur fédéral Carlo Bulletti, qui soutient l'accusation, n'a rien perdu non plus de la conférence de presse de l'accusé. Il l'a même enregistrée, et veut la faire verser au dossier afin de démontrer que l'accusé continue à travailler avec ses fameuses listes. Enregistrée? Le Ministère public ou la police fédérale étaient-ils présents, questionne Me Henzelin, qui sait qu'une telle opération en territoire étranger aurait été illégale. Bien sûr que non: «L'enregistrement de la conférence est disponible sur le site web de la Tribune de Genève», répond le procureur.

Rien d'illégal, donc. Le tribunal refuse pourtant que cet enregistrement soit versé au dossier. Il aurait fallu établir une transcription écrite, indiquer les passages pertinents et fournir une motivation, tranche la cour, très procédurière.

Procès décousu

Le procès aura donc lieu. Il doit durer toute la semaine mais s'annonce, en l'absence de l'accusé, singulièrement décousu. Plusieurs témoins doivent être entendus, notamment quelques-uns de ses anciens collègues de HSBC. Mais aussi sa maîtresse de l'époque, avec laquelle il s'est rendu au Liban pour proposer – contre finance, d'après l'acte d'accusation – des fichiers de clients. Son témoignage est très attendu, d'autant plus que leur relation a rapidement tourné court. Mais sa venue à Bellinzone reste incertaine.

Le procès se poursuit mardi avec l'audition de deux enquêteurs de la police judiciaire fédérale.