Mais qui sont donc les huissiers des conseillers fédéraux, qui trient les lettres des ministres, portent leurs dossiers et mallettes et les accompagnent lors des fêtes fédérales avec un drôle de bicorne sur la tête? Réponse à travers sept portraits. Cette semaine: Dario Oggier, rattaché au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Dario Oggier brandit un verre d'eau et une petite coccinelle en chocolat. «C'est pour vous!» Puis s'assied. Le faire parler de son métier? Difficile. Pas seulement en raison de son accent haut-valaisan, mais parce que Dario Oggier craint surtout de divulguer par inadvertance des informations sur sa cheffe. Dire à quelle heure il arrive au bureau ou s'il va allumer l'ordinateur de sa cheffe, c'est déjà «zu persönnlich». Et lui demander la marque préférée de l'eau minérale de la ministre socialiste serait carrément ressenti comme une terrible impertinence.
«Vous savez, Micheline Calmy-Rey est pour moi un peu comme ce qu'est Köbi Kuhn, l'entraîneur de l'équipe nationale de foot, au peuple suisse [nous l'avons rencontré en pleine effervescence du Mondial, ndlr]!», lâche-t-il, en rigolant. «Et je ne veux rien dire qu'elle pourrait trouver déplacé.» D'ailleurs, indice du degré de son dévouement envers sa cheffe, il assure être prêt à faire tout ce qu'elle lui demande. «Je sauterais par la fenêtre si elle l'exigeait!», dit-il avec un sourire entendu.
Avant d'être huissier au Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), Dario Oggier, 36 printemps, a travaillé au sein d'une unité mobile de la police valaisanne. Et c'est la femme de son chef, Brigitte Hauser, alors présidente des Femmes PDC et aujourd'hui cheffe de la communication à l'Office fédéral des migrations, qui a incité Dario Oggier à se présenter au poste d'huissier du DFAE en 2000. «J'ai postulé. Il y avait 130 candidats, et nous étions au final trois, deux hommes et une femme, à avoir un entretien avec Joseph Deiss. Et j'ai été pris.»
Les premiers jours, il avait la boule au ventre: «Si proche du pouvoir!» «Mais, au fil des semaines, on se rend compte que les conseillers fédéraux sont des gens parfaitement normaux. Une certaine complicité s'instaure même entre l'huissier et son ministre.»
Dario Oggier partage sa loge et son travail avec l'huissier Urs Anghern. «Nous avons des semaines «Calmy-Rey» en alternance. Et celui qui ne travaille pas directement pour la cheffe travaille notamment pour le secrétaire d'Etat ou les ambassadeurs à la tête des divisions politiques.»
Un de ses plus beaux souvenirs remonte au 5 juin 2004, lorsqu'il a accompagné Joseph Deiss, président de la Confédération, à Payerne (VD) pour accueillir le pape Jean Paul II. «Nous faisions encore des witz dans la voiture, mais lorsque nous sommes arrivés que nous avons vu le pape descendre en chaise roulante de l'avion, on a été pris d'une grande émotion.» L'émotion a été encore plus forte lorsqu'il s'est retrouvé seul avec les deux personnalités dans une toute petite salle. «J'ai eu un vrai sentiment de quiétude. Mais je n'arrive pas vraiment à expliquer pourquoi», ajoute le jeune père de famille, les yeux brillants. Un souvenir qu'il aurait bien pu ne jamais avoir: Dario Oggier remplaçait à cette époque-là l'huissier de Joseph Deiss en congé pour des problèmes de santé.