Ingvar Ier, empereur et Monsieur Tout-le-monde

« Peu de gens connaissent Ingvar Kamprad. En revanche, le monde entier connaît IKEA, ces quatre lettres qui ont fait le tour du monde avec des meubles livrés en paquets, dont il est le PDG. Les quatre lettres sont les initiales et l’adresse de la première société créée par le jeune Ingvar à 17 ans: Ingvar Kamprad, Elmtaryd, Agunnaryd, dans la province du Småland (sud-est de la Suède). […]

Très jeune, Ingvar comprend que l’argent donne le pouvoir, et qu’il en faut pour réaliser ses idées. C’est pourquoi, enfant déjà, il se lance dans les affaires en faisant le commerce de boîtes d’allumettes, qu’il achète au rabais par paquets de dix, et revend au détail avec un bénéfice de quelques couronnes qui l’enchante. […]

Au cours d’un voyage en Italie, il découvre des objets et des meubles différents de ce qu’il a toujours vu autour de lui, dans les intérieurs des maisons villageoises. Ces gens n’auront jamais la possibilité ni de connaître, ni de se procurer ces meubles, si on ne les leur offre pas sur place. Il rend visite, à bicyclette, aux petites fabriques de meubles de sa région, et propose de vendre le produit de leur travail. […]

En 1953, il achète une ancienne menuiserie pour 16 000 couronnes de l’époque – il n’était déjà pas sans ressource – et expose les meubles que les clients viennent choisir sur place. A eux de décider s’ils veulent un meuble un peu plus cher, mais de qualité, ou un meuble bon marché. Pendant cinq ans, c’est là que prend forme Ikea pour s’établir ensuite définitivement à Älmhult, dans un local de 90 m de long et de quatre étages, qu’il inaugure en 1958. Vêtu de son costume de confirmation, il accueille la presse locale et le préfet, ainsi qu’une foule de curieux et de visiteurs. Or bien des gens ne croient pas à son idée et prévoient le pire. […]

Il a créé un empire, qui s’étend actuellement dans 23 pays et compte plus de 15 000 employés et 95 magasins, dont le chiffre d’affaires s’élève à 5,5, milliards de FS pour l’année écoulée, et dont moins d’un quart des ventes sont effectuées en Scandinavie. Il a créé une soixantaine de sociétés en Europe, les autres dans les pays de l’Est, aux Etats-Unis, au Canada, à Hongkong, au Koweït, en Arabie saoudite, à Singapour et dans les Emirats arabes, à coup de slogans ahurissants comme «Ils sont fous ces Suédois!» Le siège social de l’entreprise se trouve au Danemark, et son fondateur habite la Suisse depuis longtemps. Il a préféré abandonner sa province natale plutôt que d’imposer à Ikea le poids fiscal qui aurait freiné son essor en Suède. […]

Ingvar Kamprad va fêter cette année son 66e anniversaire. Il n’a pour le moment pas encore émis le vœu de se retirer des affaires. Sa ténacité, son sens de l’économie et son endurance au travail expliquent en partie son succès, mais il faut y ajouter sa philosophie personnelle qui a donné naissance à «l’esprit Ikea», qui consiste à s’adapter et à respecter les autres.

L’esprit Ikea, c’est aussi travailler dans la poursuite d’un même but, le bien-être des gens, en mettant à leur disposition des marchandises qu’ils ont les moyens de s’offrir. Dans l’empire Ikea, il n’y a pas de bureau de directeur, ni de place de parc pour sa voiture, ni de restaurant séparé. L’empereur, c’est Monsieur Tout-le-monde. On dit de ce «capitaliste le plus populaire du monde» que «si Per Albin Hansson (père de la social-démocratie) a créé l’Etat- «Maison du peuple», c’est Ingvar Kamprad qui l’a meublée… Il a même été beaucoup plus loin. »

« Dans l’empire Ikea, il n’y a pas de bureau de directeur, ni de place de parc pour sa voiture, ni de restaurant séparé »

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