A voir les réactions, c’est plutôt la légalisation de toutes les substances qui passe pour irrationnelle… C’est une mauvaise lecture de la réalité. Les drogues sont en libre-service, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Rien n’est plus facile que de trouver de la cocaïne dans une ville suisse. Les consommateurs mettent leur santé en danger et l’argent du trafic alimente la mafia. Ce qui est raisonnable, c’est la régulation, avec une taxation et un contrôle de la distribution. Ce n’est qu’ainsi qu’une réelle prévention pourra être faite auprès des jeunes.
Ce scénario, qui donne beaucoup de pouvoir à l’Etat, est-il compatible avec une position libérale? Que dites-vous à ceux qui redoutent de voir apparaître un «Etat-dealer»?
En Suisse, nous avons déjà de bonnes expériences avec l’alcool, un produit légal, taxé et régulé, mais qui n’échappe pas pour autant au principe de responsabilité individuelle. La consommation n’a pas cessé de baisser depuis la Seconde Guerre mondiale.
Quelle forme aurait un marché légal d’autres drogues?
Il faut mettre en place des règles progressives en fonction de chaque stupéfiant: plus il est dangereux, plus son accès doit être difficile. Ainsi, du cannabis à 20% ou à 5% de THC ne serait pas vendu aux mêmes conditions. Pour une substance très puissante telle que la cocaïne, il y aurait des garde-fous supplémentaires, comme l’obligation de présenter sa pièce d’identité ou d’avoir une discussion préventive, destinée à informer le consommateur sur les risques liés au produit. Et pour toute nouvelle drogue mise sur le marché, la publicité serait interdite.
Avec ces restrictions, un modèle régulé aurait-il vraiment l’avantage sur le marché noir? Il faudrait s’assurer que le prix ne soit pas plus élevé. Mais nous savons que les consommateurs, lorsqu’ils ont le choix, préfèrent un produit plus sûr. Sur le marché noir, les gains seraient moins bons et les risques plus élevés. Depuis que l’héroïne peut être prescrite par des médecins, le marché noir a rétréci et l’attractivité du produit a chuté.
Difficile de prédire les comportements des consommateurs. Une légalisation pourrait attirer de nouveaux adeptes… Nous ne pouvons pas avoir plus de problèmes qu’aujourd’hui, alors qu’on dépense 800 millions par an pour lutter en vain contre le marché noir.
Souhaitez-vous jeter la politique des quatre piliers que vous avez contribué à mettre en place?
Non, au contraire, la régulation des drogues s’inscrit dans la même ligne. C’est un renforcement de cette approche, car lorsque les substances sortent de l’illégalité, il est plus facile de faire de la prévention.
Essayez-vous d’attirer l’attention avec une proposition choc?
Si nous voulions faire de la publicité, nous choisirions un thème plus confortable, comme la baisse d’impôt. Cette proposition démontre le sérieux du PLR sur cette question. A Bâle, nous avons une approche traditionnellement basée sur la raison et la science.