Le canton de Neuchâtel a vécu un séisme politique entre 2009 et 2013, avec l’affaire Hainard et le sac de nœuds au sein du gouvernement, au point qu’au printemps 2013 l’électorat a renvoyé les ministres qui n’avaient pas été poussés vers la sortie par leur parti. Renouvelée, la classe politique avait alors décrété un «plus jamais ça».
Pourtant, épisodiquement, des répliques du séisme surviennent, en particulier lors de l’examen du budget. Ce fut encore le cas mardi soir, tard, lorsque certains esprits étaient déjà embrumés. Une subite tempête dans un verre d’eau, opposant des ténors du PS, du PLR et des Vert’libéraux.
Lorsqu’il dérape, le parlement neuchâtelois s’ingénie à jouer avec le feu. Le sort du budget 2015 était soumis aux états d’âme de députés vexés, fâchés, piqués dans leur ego.
Le lendemain matin, les députés reposés, tirant profit des conseils de la nuit et des remises à l’ordre républicaines des ministres Laurent Kurth et Alain Ribaux, le feu s’est éteint. Le Grand Conseil a largement adopté le budget, par 60 voix contre 40, l’opposition provenant des groupes non gouvernementaux POP-Vert-Sol et UDC, qui font de l’opposition leur fonds de commerce.
Au final, tout en affichant un mécontentement ostensible, les deux grands partis, PLR et PS, ont soutenu «leur» gouvernement, pressés de le faire par les Vert’libéraux, pivots du parlement, qui font les majorités et ont tendance à surjouer de leur position.
Le débat parlementaire sur le budget a confirmé le retour en grâce du Conseil d’Etat. Si les députés s’écharpent, c’est entre eux. Neuchâtel a retrouvé un gouvernement crédible et sérieux, qui a toutefois le handicap d’être bicolore, avec 3 PS et 2 PLR, s’aliénant de fait 41 députés sur les 115 du Grand Conseil, 21 POP-Vert-Sol et 20 UDC.
Autre cause de la réplique sismique de l’examen du budget 2015 – les débats avaient été plutôt pacifiés et constructifs depuis l’été 2013 –, le besoin des groupes politiques de se profiler en vue des élections fédérales de 2015. UDC et Verts, dispensés d’attitude consensuelle dans les institutions cantonales, doivent tous deux sauver un siège au Conseil national. Neuchâtel passant de cinq à quatre élus à la Chambre du peuple, en raison de sa démographie qui progresse moins vite qu’ailleurs, tout le monde se sent menacé et privilégie les discours susceptibles de flatter son électorat plutôt que des options de compromis contribuant à l’intérêt général de l’Etat.
Le débat budgétaire a aussi laissé apparaître des tensions épidermiques, personnelles et historiques dans l’aréopage républicain. Ainsi, entre socialistes et libéraux-radicaux, on mène toujours une guéguerre pour savoir qui imposera sa loi à l’autre. Entrés au parlement en 2013, les Vert’libéraux (5 sur 115) n’en manquent pas une pour fustiger les vieilles querelles et en appeler à prendre de la hauteur, une attitude de donneur de leçons qui agace. Les Vert’libéraux s’ingénient à s’émanciper d’un PLR qui accepte mal l’insoumission du dernier-né des partis neuchâtelois. Alors, d’aucuns imaginent qu’ils ne s’apparenteront pas aux élections fédérales. Leur intérêt passe pourtant par l’alliance électorale.
La facilité avec laquelle, parfois, le débat dérape laisse apparaître une dangereuse légèreté dans l’appréhension des défis auxquels le canton de Neuchâtel est confronté. La deuxième moitié de la législature, d’ici au printemps 2017, sera décisive dans bien des domaines (finances, transports, réformes administratives et institutionnelles, etc.), dans un canton dont une partie des élus en reste souvent aux dogmes et aux défenses d’intérêts sectoriels, au détriment de l’intérêt pragmatique supérieur de l’Etat.