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Israel Singer maintient que la neutralité suisse durant la guerre était un «crime»

Le président du comité exécutif du Congrès juif mondial déclare que la Suisse ne s'est pas assez penchée sur son passé. «Faux!» dit Alfred Donath.

Israel Singer, président du comité exécutif du Congrès juif mondial (CJM), maintient que la neutralité suisse durant la Deuxième Guerre mondiale était un «crime», tout en atténuant ses propos. Sa phrase, prononcée à Berlin quelques jours avant la célébration officielle des soixante ans de la libération du camp d'Auschwitz, avait suscité de vives réactions en Suisse, dont celle du président de la Confédération, Samuel Schmid, qui a qualifié ces reproches d'«absolument injustifiés». La Fédération suisse des communautés israélites a de son côté envoyé vendredi une lettre de protestation à Israel Singer. Sans exiger d'excuses ni de démission bien que son président Alfred Donath en évoquait encore la possibilité quelques jours plus tôt.

Dans une interview accordée à la NZZ am Sonntag, Israel Singer maintient donc sa version des faits, tout en admettant que ses propos étaient «peut-être un peu provocants». Il ne nie pas le travail de mémoire mené par la Commission Bergier et déclare au contraire ne faire que citer ses conclusions. La Suisse, avec sa politique des réfugiés, a contribué au crime de l'Holocauste, insiste-t-il. Notamment avec le «J» sur les passeports juifs et le refoulement de juifs à la frontière.

Le président du comité exécutif du CJM reconnaît que la neutralité a peut-être été la seule solution pour la Suisse de se préserver mais juge que les conséquences de cette décision doivent être mieux expliquées. En clair, l'Américain, dont la femme est d'ailleurs suissesse, accuse la Suisse de vouloir trop rapidement tourner la page. Israel Singer cite l'exemple de la France. En 1995, le président Jacques Chirac a ouvertement déclaré que la France n'avait pas été uniquement celle de De Gaulle, mais également celle de Pétain et de la Collaboration. «Chaque Français a ces aveux en tête lorsqu'il parle de cette période», assure-t-il. Il n'est par contre pas du tout convaincu que chaque enfant suisse sache que Kaspar Villiger avait en 1995, comme président de la Confédération, présenté des excuses publiques à propos de la politique des réfugiés menée durant la Deuxième Guerre. «Il ne faut pas qu'il se passe la même chose qu'en Angleterre, où les gens ne savent plus ce qu'était Auschwitz», souligne Israel Singer. La Suisse doit tirer les leçons de son histoire, juge-t-il.

Alfred Donath a bien sûr lu l'interview. Au Temps, il dit clairement contester l'accusation selon laquelle la Suisse veut rapidement tourner la page. «La Suisse a décidé en 2004 de participer à la Taskforce for Holocaust Memory and Education et les directeurs cantonaux de l'Instruction publique se sont récemment engagés à faire parler de la Shoah dans les écoles à la lumière des conclusions de la Commission Bergier», explique-t-il. «La plupart des manuels d'histoire sont réécrits.» Pour Alfred Donath, les déclarations d'Israel Singer démontrent qu'il ne s'est pas renseigné sur ce qui se fait en Suisse. Ou alors elles traduisent une certaine mauvaise foi.

Israel Singer assure par ailleurs avoir reçu bien plus de réactions positives que négatives des juifs de Suisse. «Ils m'ont encouragé et m'ont convaincu que la vérité devait être dite.» Commentaire d'Alfred Donath: «Il dit ce qu'il veut dire. En ce qui me concerne, je n'ai quasiment entendu que des remarques négatives.»