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«J'ai fui un mariage humiliant»

L'épouse du nouveau directeur de la Mosquée, se sentant menacée, a quitté le domicile conjugal après une semaine d'union.

Des pressions psychologiques, des violences verbales et un mariage conclu dans la précipitation qui n'aura duré qu'une semaine, c'est ce qu'a évoqué hier devant la presse Hawwà-Antje Pastoor, 59 ans, l'épouse de Fathy Neamat-Allah, 68 ans, le nouveau directeur de la Mosquée de Genève.

Suissesse d'origine franco-néerlandaise, convertie à l'islam depuis une dizaine d'années, Hawwà-Antje Pastoor, portant le foulard et tout de noir vêtue, n'a pas souhaité s'exprimer «pour stigmatiser l'islam, mais pour dénoncer certaines dérives isolées», a-t-elle affirmé.

Son témoignage vient en tout cas nourrir la controverse sur le personnage de Fathy Neamat-Allah, qui n'a pas souhaité commenter les propos de sa femme hier. Son arrivée à Genève il y a quatre mois pour reprendre en main la gestion de la Mosquée jugée déficiente, dénotait selon certains la volonté de responsables de la Ligue islamique mondiale de procéder à une reprise en main idéologique de l'institution, bien plus qu'à un redressement administratif. Des doutes que le directeur, un Saoudien qui a longtemps vécu en Allemagne et qui a licencié à son arrivée quatre responsables de l'institution, n'as pas réussi à dissiper totalement vis-à-vis de certains membres de la communauté.

Un mariage «urgent»

Hawwà-Antje Pastoor déclare avoir été présentée à Fathy Neamat-Allah au début du mois de mai dernier, à l'initiative du vice-consul du royaume d'Arabie saoudite à Genève.

Ils se marient le cinq juin, après que le directeur a fait pression sur elle plusieurs heures durant, affirme Hawwà-Antje Pastoor. «Il m'a dit que ce mariage était urgent, en raison du discrédit dont il était victime au sein de la communauté musulmane, parce que nous nous côtoyions depuis un mois.» Elle accepte pourtant l'union qui aurait été célébrée par l'imam Youssouf Ibram, injoignable hier, et «signe un document en arabe», dont elle ignore le contenu et dont elle veut aujourd'hui obtenir l'invalidation.

«Avant notre mariage, Fathy Neamat-Allah m'avait fait diverses propositions professionnelles, m'avait présenté d'éminentes personnalités. Après, je me suis retrouvée cloîtrée, progressivement coupée de tout contact», affirme Hawwà-Antje Pastoor, qui dénonce également des violences verbales.

Elle n'a pas été séquestrée cependant. «Il me faisait comprendre par son comportement que je n'avais pas intérêt à sortir de l'appartement. Je devais raser les murs, me rendre invisible. C'était humiliant. Il m'a dit un jour: «Parfois, je frappe.»

Ali Benouari, fondateur de l'Association suisse des musulmans pour la laïcité, est abasourdi: «Lorsqu'ils étaient fiancés, ils m'ont fait l'effet d'un couple heureux et moderne. Si ce que dit Mme Pastoor est vrai, c'est absolument révoltant.»

Un mariage pour des papiers?

Le mariage ne devait servir «qu'à fournir des papiers» à Fathy Neamat-Allah, affirme Hawwà-Antje Pastoor, «car même s'il possède un passeport français (ndlr: il a été marié à une Française), il ne dispose que d'un permis de travail temporaire», selon elle. Le mariage religieux qui a été célébré n'a cependant aucune valeur juridique ou administrative. «Si j'étais restée, le mariage civil aurait eu lieu», estime Hawwà-Antje Pastoor. Après sept jours, elle quitte le domicile conjugal effrayée, après une nouvelle crise de colère de son mari, explique-t-elle.

Face à de telles accusations, et à la question de savoir pourquoi il avait une telle hâte de contracter un mariage religieux, Fathy Neamat-Allah restait muet hier. Un employé de la Mosquée déclarait que le directeur ne souhaitait pas réagir avant de connaître précisément les reproches de son épouse.

Hawwà-Antje Pastoor, elle, attend l'annulation de son mariage. Quant à l'éventuel dépôt d'une plainte contre le directeur, l'avocat de son épouse, Me Grégoire Rey, se contentait hier d'annoncer que «toutes les démarches qui s'imposent seront envisagées».