Cet article est publié en accès libre vu l’importance de ces informations pour le débat public. Mais le journalisme a un coût, n'hésitez donc pas à nous soutenir en vous abonnant.

C’est le chiffre introuvable. Ou alors, dans une fourchette large: en 2019, les journaux Ostschweiz am Sonntag et Zentralschweiz am Sonntag publiaient une enquête dans laquelle ils estimaient la consommation de produits phytosanitaires par les particuliers en Suisse entre 100 et 200 tonnes par an, une part de 5 à 10% du total des ventes de ces substances. A l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), on indique que, pour l’heure, aucune proportion ne peut être articulée. L’administration produit des bilans assez précis du marché des produits de traitement, mais pas selon les usagers.

C’est l’un des autres usages des pesticides, qui suscitent un débat vif, même tendu, en vue des votations de dimanche. L’attention générale se porte sur l’agriculture, «mais il y a deux autres domaines importants», prévient-on à l’OFAG. Outre les particuliers, il faut penser aux utilisations pour les voies de transports et les parcs publics.

Retrouvez nos articles et tribunes sur la campagne.

Un flou légal

La citoyenne et le citoyen, eux, recourent aussi à ces substances en entretenant le petit lopin autour de la villa, le jardin familial, ou même les opulents géraniums sur le balcon. Dans un relatif flou législatif. A cette heure, une seule limite est claire: l’usage d’herbicides dans les jardins privés est interdit. Pour le reste, c’est un peu à bien plaire. Les produits en vente dans les magasins peuvent couvrir un éventail assez large, y compris en termes d’agressivité sur l’environnement. «Il incombe aux entreprises de vente de différencier la manière dont ils mettent en valeur les produits», indique-t-on à l’OFAG.

Le contrôle relève des cantons. Dans les boutiques plus spécialisées – fréquentées par les agriculteurs – les non-professionnels, qui n’y sont pas interdits, devraient se voir demander une autorisation pour certains produits. En théorie…

Lire aussi: Comment l’agrochimie se rend indispensable

Plusieurs demandes aux Chambres

Ce laxisme général a fait l’objet de plusieurs prises de position aux Chambres. La dernière en date remonte à juin 2020, sous la signature de l’évangélique zurichois Niklaus-Samuel Gugger. «Quand le Conseil fédéral va-t-il enfin édicter la réglementation sévère qu’il promet depuis des années?» pressait le conseiller national. Il s’inspirait notamment d’un reportage de la SRF qui, fin 2019, avait pu se procurer sans problème du chlorprophame, un inhibiteur de germination des pommes de terre qui doit être conservé à l’écart des denrées alimentaires, des boissons ainsi que des aliments pour animaux. Le député signalait aussi que, selon l’administration, «il y a aujourd’hui 103 pesticides homologués qui présentent un risque pour les abeilles, les pollinisateurs sauvages et d’autres insectes, et 48 d’entre eux sont autorisés pour un usage non professionnel».

Dans sa réponse, le gouvernement admet, sur la base d’une étude de l’Office fédéral de l’environnement, que la moitié des usagers, par exemple concernant les herbicides sur les terrasses et les chemins, «n’ont pas connaissance des bases législatives». Puis il met en avant son plan d’action pour la réduction des risques liés aux produits phytosanitaires, adopté en 2017. La première étape a pris corps cette année: une liste des produits homologués en Suisse, avec, pour chacun, une case cochée, ou non, si l’élément est autorisé pour une utilisation non professionnelle.

A ce stade, cela n’engage guère les autorités. Mais le Conseil fédéral précise que la prochaine étape sera l’interdiction «de la remise» de produits professionnels aux amateurs. Les dispositions sont en consultation, pour une entrée en vigueur espérée en 2023.

Lire également: La Suisse peut-elle se passer de pesticides?

En Valais, on lance: «Doucement la dose!»

En Valais, on empoigne le problème sous la bannière «Doucement la dose!» Hasard du calendrier – le projet était prévu pour le printemps 2020 –, les autorités cantonales organisent des ateliers de bonne gestion des jardins en pleine campagne sur les pesticides. Les bourgeoisies ont invité leurs ouailles intéressées pour des travaux pratiques, dans leurs jardins publics, de cultures amateurs sans produits chimiques, à Sierre, Monthey, Vouvry et Crans-Montana. Brig et Sion vont suivre.

Collaboratrice scientifique au Service de l’environnement, Hélène Bourgeois note que la démarche s’inscrit dans la lutte pour «la réduction des pesticides et autres micropolluants issus des ménages privés, qui reste un défi et doit être renforcée». Elle relève que chaque atelier «a atteint le maximum de personnes dont nous avions droit dans le cadre des mesures sanitaires», et assure: «L’expérience montre que ce ne sont pas uniquement des personnes acquises à la cause qui participent à ces ateliers. Souvent, les personnes souhaitent faire autrement mais ne savent pas comment s’y prendre.»

Lire également: Des cochenilles nuisibles sont entrées en Suisse par des plantes ornementales