Jean Russotto: Sur le plan de l’effet utile, à savoir des retombées concrètes, l’initiative est tardive, au bas mot. Le renouvellement de la voie bilatérale ne peut attendre un verdict populaire en 2025 et une possible mise en œuvre encore plus lointaine. Les questions ouvertes à régler par la Suisse sont urgentes. Quant à l’UE, cette ligne de temps est non seulement décalée mais sans intérêt, même si l’UE respecte le fonctionnement de la démocratie suisse.
Les entretiens exploratoires n’avancent pas. Ne faudra-t-il donc pas cette pression de la société civile?
Au vu du marasme actuel et de l’enlisement des discussions – qui ne sont que des pourparlers préliminaires – l’initiative est louable et doit être encouragée. Ses promoteurs appartiennent à la nouvelle génération. Il pourrait donc y avoir un effet d’enchaînement, avec comme source la société civile composite dont les voix électorales comptent. L’UE y verrait un signe encourageant venant de cercles pour lesquels l’UE n’est pas qu’une construction économique, le grand bazar du marché intérieur où chacun vient se servir.
Les partis et le Conseil fédéral vous donnent-ils aussi l’impression de vouloir geler le dossier avant les prochaines élections?
Gel ou pas gel du dossier, le temps est bougrement hivernal. Les mouvements de fond, les décisions importantes, par exemple sur la question institutionnelle, et une marche vers un compromis sont invisibles. La cause européenne est rarement génératrice de voix. Trouver un abri durable et effectuer des pas feutrés dans le débat européen sont de mise pour les prochains mois.
La science ne sera probablement plus associée au programme de recherche Horizon Europe. La relation bilatérale est-elle condamnée à s’éroder durant cinq ans, jusqu’en 2027?
Si un déblocage n’intervient pas avant la fin de l’année, la Suisse scientifique risque d’être définitivement écartée du programme Horizon Europe. Même un rattrapage après l’automne est hasardeux. Démarrer un «reset» entre la Suisse et l’UE requiert un accord politique entre deux ministres, Ignazio Cassis d’une part et Maros Sefcovic d’autre part. Cela présuppose un travail préparatoire exhaustif. Or, aujourd’hui, aucune fumée blanche n’est visible. La logique du moment présent veut que les accords sectoriels vont demeurer en l’état, soit en rade en quelque sorte, avec quelques interventions de secours ponctuelles. Ce scénario est surréaliste, inacceptable et insidieux. La reconstruction des liens est impérative. L’érosion est une plaie guérissable, mais la dilution de la relation est cauchemardesque.