Ça bruit, ça bruit de plus en plus dans les travées bernoises, au fur et à mesure que l’on approche de l’élection du 9 décembre pour la succession d’Eveline Widmer-Schlumpf au Conseil fédéral. Car à partir du ticket UDC officiel Aeschi-Parmelin-Gobbi, on sait que l’Assemblée fédérale reste souveraine: elle est libre de choisir le successeur qu'elle voudra à la ministre PBD. Et le petit jeu de cache-cache qui s’est déroulé ce mercredi autour de l’outsider et conseiller national grison Brand, réputé modéré et «consensus-compatible», laisse croire que les manœuvres vont encore aller bon train.

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Retour sur la mini-pièce de théâtre mise en scène par le Grison ce mercredi au Bundeshaus, «signe qu’il veut encore devenir conseiller fédéral» aux yeux du Tages-Anzeiger. Il «a le temps» de faire campagne. «Il fait la navette» dans les couloirs du parlement, «serre une main ici, lâche un mot gentil ailleurs». Il sait que la Basler Zeitung (BaZ) l’a placé au cœur d'«un plan secret» pour éviter l’ultralibéral Thomas Aeschi.

Que ce soit vrai ou non, c’est bon pour lui. «Et tout à coup elle est là, poursuit le Tagi, cette dynamique électorale qui a tant manqué jusqu’ici, avant cette élection» à l’exécutif suprême. On interpelle le chef du groupe, Adrian Amstutz: «Avez-vous entendu? Heinz Brand veut y aller, mais il veut un ticket à quatre!» Mais «Amstutz grogne, il ne sait rien, il veut s’en aller». Amstutz le répète encore à la Neue Zürcher Zeitung: si «un candidat non officiel est élu, il ne représentera pas l’UDC».

Autrement dit: il subira le même sort qu’une certaine autre Grisonne il y a huit ans de cela. Le même Amstutz le dit clairement au Blick: il sera exclu de l’UDC. Il dit aussi que l’élection d’un Romand – suivez son regard – serait «une chance énorme» pour le «potentiel de croissance» du parti en terres francophones. Il ne dit en revanche plus aussi clairement qu’il n’est pas «à disposition» lui-même…

Mais le «scénario Brand», quel est-il? C’est clairement un plan B, un scénario-catastrophe, explique La Liberté de Fribourg. La BaZ parlait en fait de «Brandfall», «un jeu de mots signifiant autant «l’affaire Brand» que «situation d’incendie». Scénario selon lequel de nombreux parlementaires d’autres partis, et même de l’UDC, accorderaient leur voix au Grison.»

Donc, quelques heures plus tard, tout rentre dans l'ordre. Ou dans les rangs alignés. Selon RTS Info, «après s’être déclaré favorable à un ticket à quatre candidats UDC» dans la Rundschau de SRF enregistrée la semaine dernière, Heinz Brand revient sur sa décision: «Le sujet […] est clos pour moi», déclare-t-il dans le Forum radiophonique de La Première, en même temps qu'il le répète à deux médias alémaniques. Il «dit désormais s’en remettre à la décision de son parti».

Ce, à la Radio suisse romande, juste après que le comédien Jean-Luc Bideau se fut étranglé d’indignation à l’idée que le parti socialiste ne présente pas au moins un candidat au premier tour de l’élection. Par exemple le conseiller aux Etats bernois Heinz Stöckli, à qui il a donné la réplique. En retour, le Biennois a tenté, en vain, de convaincre le militant carougeois du choix d’accepter un deuxième UDC au Conseil fédéral, mais pas n’importe lequel.

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Et voilà. A «J»–6, l'éditorial commun à 24 Heures et à la Tribune de Genève prétend, loin de ces spéculations, que «l’élection se joue dans le brouillard». «Y aurait-il donc un 4e candidat» et qui? – le texte ne cite pas Heinz Brand. Le garde-t-on «au chaud jusqu’au jour J?» Reste que «personne, ni observateur ni politicien, ne parierait aujourd’hui un kopeck sur l’issue de l’élection» et il règne «cette impression un peu dérangeante» qu’elle «se fera selon l’humeur du moment».

Et d’ajouter que «la gauche finira bien par vouloir influencer le choix du conseiller fédéral». Mais «sur quels critères»? Mystère et boule de gomme. «Dans les autres partis, un bouquet de considérations personnelles viendra brouiller les tours de scrutin.» RTS Info le confirme: les socialistes vont auditionner les trois candidats proposés par l’UDC. Mais, comme auprès de Bideau, «cette manière d’accepter les revendications de l’UDC ne passe pas très bien auprès de la base».

Et de certains parlementaires. Surtout en ce qui concerne la candidature du léguiste tessinois adoubé par l’UDC Norman Gobbi: «C’est un facho, nous n’avons pas à le recevoir», déclare le socialiste valaisan Matthias Reynard. Ambiance. L’aurait-il dit si Gobbi ne s’était pas trouvé outre-Gothard juste à ce moment-là? Si loin de la scène de théâtre bernoise...