Genève
Le chef de file du MCG et candidat à l’élection au Conseil des Etats a fait opposition à sa condamnation pour infraction à la loi sur les stupéfiants. A son procès, il explique avoir voulu faire œuvre socialement utile en provoquant et en filmant une transaction de cocaïne. Récit d’audience.

Audience un brin surréaliste ce lundi devant le Tribunal de police. Sur le banc des accusés, Eric Stauffer, chef de file du Mouvement citoyen genevois, député et grand pourfendeur de la criminalité de rue, se défend d’avoir dénoncé de manière trop concrète le deal de drogue aux Pâquis. A ses côtés, un jeune soldat du parti, envoyé au front pour se faire filmer en achetant deux boulettes de cocaïne, ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive. Dans la salle, l’UDC Yves Nidegger est venu soutenir son colistier à l’élection au Conseil des Etats. Seul le procureur général Olivier Jornot manque à l’appel pour donner plus d’ambiance à ce procès.
«Une sanction inconcevable»
«A aucun moment, je n’ai imaginé qu’on se mettait en infraction avec la loi en permettant l’arrestation et la condamnation d’un trafiquant, Pour moi, c’était et c’est toujours inconcevable», explique d’entrée de jeu Eric Stauffer en évoquant cette mise en scène de septembre 2013. Cette nuit-là, le leader du MCG et ses ouailles parcouraient les quartiers chauds afin d’évaluer le niveau d’insécurité et de revente à ciel ouvert. Ils ont fini par acheter deux boulettes, ont immortalisé la transaction, prévenu la police, remis la drogue et assisté à l’interpellation du dealer.
La méthode n’a pas été du goût du Ministère public qui a condamné le jeune acheteur et son chef inspirateur à des peines de 30 et 45 jours-amendes avec sursis, ainsi qu’à 1050 et 2500 francs d’amende à titre de sanction immédiate, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. En substance, le procureur général retient que le duo s’est prêté à une vraie transaction, non pas pour retirer de la drogue du marché, mais pour piéger un revendeur à des fins de propagande politique. En ce sens, la démarche ne peut être qualifiée de socialement utile. Enfin, la décision précise aussi que seule la police est habilitée à opérer des achats fictifs dans le but de confondre des dealers.
Soutien policier
Insensé, rétorque le tribun MCG qui revendique la forme de son action et la légitimité de son combat de toujours contre ceux qui détruisent la jeunesse. Roger Golay, président du parti et retraité de la gendarmerie, le confirme à la barre des témoins: «Les stupéfiants, c’est son thème privilégié car nos rues se sont transformées en supermarché».
Même Olivier Pecorini, vice-directeur à l’Office fédéral de la police, trop occupé pour venir à l’audience, a pris la plume pour dire à la présidente Isabelle Cuendet tout le bien qu’il pense d’Eric Stauffer, celui qui «n’a eu cesse d’œuvrer en appui de la poursuite pénale, fournissant à diverses reprises des informations pertinentes et utiles, ce sans jamais exiger de contrepartie ni entendre en tirer un profit personnel».
Dérive judiciaire
Défendus par Me Yaël Hayat et François Canonica, les deux acteurs de ce mauvais film plaident donc leur acquittement. «Si on avait eu affaire à un simple consommateur, jamais il n’aurait été condamné et encore moins par le procureur général en personne» s’exclame l’avocate en dénonçant une décision «qui sonne faux», qui sent la dérive et l’acharnement.
Pour Me Hayat, Eric Stauffer n’a jamais eu d’autre intention que celle d’alerter et donc de protéger la société contre un fléau. Pareil pour son jeune complice, un nettoyeur reconverti dans la sécurité, justicier dans l’âme, qui avait autrefois reçu les félicitations de la cheffe de la police pour avoir couru après des cambrioleurs-dealers en fuite et permis leur arrestation. «Sa démarche n’était pas impure», conclut Me Canonica en demandant au tribunal d’effacer cette condamnation indigne et infamante.
Eric Stauffer, qui demande notamment 100 francs à titre de tort moral, le promet. Si le tribunal lui donne raison, il versera dix fois cette somme à une association d’aide aux toxicomanes. Il n’a pas précisé laquelle. Et lui faudra encore attendre avant de connaître la décision du juge.