Dans le Jura bernois, Elisabeth Baume-Schneider suscite la méfiance
Question jurassienne
La majorité du Conseil du Jura bernois s’interroge sur la capacité de la conseillère fédérale à superviser le transfert de Moutier dans le Jura. De quoi faire bondir la minorité autonomiste de ce parlement régional

En accédant à la tête du Département fédéral de la justice, Elisabeth Baume-Schneider a hérité du rôle de médiatrice dans le délicat transfert de la commune de Moutier dans le Jura. Si les gouvernements bernois et jurassien ont rapidement accordé leur confiance à l’ancienne ministre jurassienne pour mener ce travail avec impartialité, ce n’est pas le cas du Conseil du Jura bernois (CJB), entité politique qui défend les intérêts de la région.
Sa majorité a adopté mercredi une résolution sur proposition du groupe UDC-UDF. Elle relève que la supervision d’Elisabeth Baume-Schneider soulève «certains questionnements en regard de son engagement politique passé dans la Question jurassienne» et considère que «les principes généraux d’impartialité, de réserve et d’objectivité ne peuvent pas être totalement garantis dans ce processus sensible de négociation». Ces dernières semaines, différents partis du Jura bernois et mouvements pro-bernois avaient déjà exprimé des craintes similaires.
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Des tensions internes
Pourquoi le CJB a-t-il décidé de prendre cette position qui tranche avec celle du conseiller d’Etat Pierre Alain Schnegg, lui-même agrarien, Jurassien bernois, et résolument antiséparatiste? Dans un dossier où chaque mot peut ranimer des braises, le président de l’institution, Cyprien Louis (Les Vert·e·s), répond avec prudence: «Il ne s’agit pas d’attaquer la nomination d’Elisabeth Baume-Schneider, mais de faire remonter un ressenti assez large de la population du Jura bernois. Notre but est de rappeler qu’elle a un passé militant et que la Confédération doit être attentive à nos préoccupations. La situation est relativement apaisée depuis quelques mois et il n’est pas question de jeter de l’huile sur le feu.»
Trop tard, à en croire le groupe Socialiste Centre du CJB – minoritaire et composé principalement d’élus autonomistes – qui n’a guère goûté cette décision. «C’est particulièrement attristant de préjuger qu’une conseillère fédérale pourrait manquer à ses obligations alors qu’elle n’a même pas commencé son travail, s’emporte Peter Gasser. Elisabeth Baume-Schneider a été élue démocratiquement et ne représente plus son canton.» Pour le socialiste, la résolution adoptée est clairement une attaque personnelle: «Dire le contraire est faux cul comme pas permis. L’UDC instrumentalise le CJB pour faire passer ses messages et nous ne pouvons pas laisser passer.»
Ce que le président de l’UDC du Jura bernois, Patrick Tobler, conteste avec véhémence: «La minorité qui nous attaque est la même qui cherche à instrumentaliser la moindre décision et crie sans cesse au loup.» Passé cette réponse du berger à la bergère, l’agrarien affirme que le CJB ne joue pas sur les mots. «Si vraiment nous avions voulu attaquer la conseillère fédérale, nous aurions demandé au canton de Berne qu’il s’oppose à ce qu’elle mène la médiation. Mais cela n’aurait fait que retarder le transfert de Moutier, que tout le monde souhaite voir achevé rapidement pour pouvoir passer à autre chose. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher d’émettre des réflexions et d’afficher une certaine méfiance.»
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Mars sera un mois charnière
Son rôle de médiatrice, Elisabeth Baume-Schneider l’endossera pour la première fois le mois prochain, dans le cadre d’une réunion tripartite avec les gouvernements bernois et jurassien. Les deux cantons peinent à s’accorder sur des questions de péréquation financière, ce qui les empêche de finaliser le concordat qui doit fixer les conditions du transfert de Moutier dans le Jura, prévu le 1er janvier 2026. Seule certitude à ce stade: le travail de la conseillère fédérale sera scruté de très près, et elle est sans doute la première consciente du fait qu’elle n’aura pas le droit au moindre faux pas.
Le président du CJB, lui, aura du travail pour renforcer la collégialité de son groupe. «Des décisions très importantes pour l’avenir du Jura bernois seront prises lors de la prochaine session du Grand Conseil, conclut Cyprien Louis. Beaucoup de nos membres sont aussi députés ou ont des fonctions dans les partis cantonaux. Il est important de présenter un front uni pour convaincre la Berne alémanique de nos besoins.»