Le Jura rêve de servir de modèle à toute la Suisse. Le dernier-né des cantons veut aller plus loin que la loi fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes (LEg). Les Jurassiennes et les Jurassiens voteront ainsi le 13 juin sur l’initiative «Egalité salariale: concrétisons». Lancée en 2017 par le syndicat Unia, elle demande que le canton prenne des mesures pour concrétiser l’égalité salariale. Il y a quatre ans l’écart était, dans le Jura, de 23% entre hommes et femmes. «On était en queue de peloton des cantons suisses», rappelle Rébecca Lena, secrétaire régionale d’Unia Transjurane. Sur le plan fédéral, cette différence est aujourd’hui de 19%.

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Comment expliquer que le Jura soit un si mauvais élève. Selon Rebecca Lena, c’est dû au tissu économique du canton. Historiquement il y avait de nombreux sous-traitants qui employaient des femmes à des salaires plus bas que les hommes. «Une partie de l’économie profite toujours de la situation, notamment dans le commerce de détail où le travail féminin est très développé. Dans ce domaine, nous avons constaté un fort dumping salarial», déplore la syndicaliste.

Quant au ministre jurassien de l’Economie, Jacques Gerber, il ne s’explique pas ce mauvais résultat: «Cette différence est intolérable, il n’est pas normal qu’il existe des différences salariales liées au genre. Nous voulons donner un message fort à la population et aux entreprises.»

Sanctions possibles

Le gouvernement jurassien soutient cette initiative. Comme ce texte n’a pas été traité dans les délais – principalement en raison de la pandémie –, il est directement soumis au peuple. Sans attendre ce vote, l’exécutif a déjà proposé cinq mesures concrètes qui seront débattues prochainement au parlement: la promotion de la Charte pour l’égalité salariale dans le secteur public; la possibilité de signaler tout soupçon d’inégalité auprès de la déléguée à l’égalité; l’analyse de l’égalité salariale dans les entreprises dès 50 personnes (contre 100 sur le plan fédéral) qui sera ensuite validée par le Service de l’économie et de l’emploi pour une durée de cinq ans. Et pour terminer, la mesure qui satisfait le plus les syndicats: les entreprises subventionnées qui ne respecteraient pas l’égalité salariale devraient restituer les subsides reçus. Pour mettre fin à ces inégalités, le PLR Jacques Gerber insiste: il est essentiel que le canton dispose de ressources, de méthodes fiables et prenne des mesures correctives. Du côté d’Unia, on espère que ces mesures seront accompagnées de créations de postes et donc de moyens financiers supplémentaires.

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Aucune opposition

Et là où les Jurassiens s’illustrent, c’est que toutes les organisations économiques et les partis, y compris l’UDC, soutiennent ce texte. Plutôt inhabituel pour une initiative issue des syndicats. Un oui dans les urnes est acquis. Toutefois, pour que le signal soit fort, Rébecca Lena escompte une acceptation à plus de 70%. La secrétaire régionale d’Unia Transjurane évoque tout de même une campagne insidieuse pour le non qui se ferait par certaines entreprises. Jacques Gerber, lui, ne croit pas à une stratégie souterraine. «J’espère un score fleuve, personne ne peut dire qu’une femme doit gagner moins pour un travail identique.»

Vote très observé

Les initiants espèrent que ce vote donnera des idées à d’autres cantons: «Nous serions les premiers à disposer d’un tel texte. Notre canton se veut progressiste, nous devons servir d’exemple pour toute la Suisse. D’ailleurs, ce vote est très observé.» Notamment par l’Union syndicale suisse (USS). Secrétaire centrale à l’USS, Regula Bühlmann suit de près cette votation: «Je suis ravie que le gouvernement jurassien soutienne cette initiative et propose des mesures qui vont plus loin que la LEg.» La syndicaliste se félicite aussi du soutien unanime à ce texte: «Cela prouve que l’égalité n’est pas une revendication de gauche, mais une question de justice.» L’USS souhaite-t-elle que d’autres cantons suivent ce modèle? «En principe les questions d’égalité devraient être réglées sur le plan suisse, mais comme la LEg ne contient pas de sanctions, c’est très bien si des cantons adoptent des mesures contraignantes, comme le Jura», conclut Regula Bühlmann.

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