Le séisme annoncé a bel et bien eu lieu dans le Jura. La socialiste Rosalie Beuret Siess remporte ce dimanche l’élection partielle au gouvernement cantonal et met fin à quarante ans d’hégémonie PDC sur l’exécutif jurassien. Alors que tout le monde s’attendait à un scrutin très serré, l’Ajoulote a finalement survolé ce second tour, obtenant ainsi 10 486 suffrages (46,90%) et devançant de quelque 2000 voix la démocrate-chrétienne Anne Seydoux-Christ (8491 voix, 37,98%). Une victoire sans appel pour celle qui avait déjà fini en tête du premier tour. Comme attendu, l’UDC Romain Schaer n’a pas pu faire mieux que de la figuration et termine troisième avec 3379 voix (15,11%). La participation s’est située quant à elle à 39%.

Gauche unie contre droite divisée

Au stamm du Parti socialiste, installé pour l’occasion dans un hôtel du centre de Delémont, Jämes Frein, le président du PS jurassien, ému aux larmes, n’arrivait pas à expliquer une victoire d’une telle ampleur: «C’est difficile à analyser quand il y a autant d’émotions… Même dans des villages traditionnellement démocrates-chrétiens, Rosalie fait de très bons scores.» Conseillère municipale (exécutif) à Porrentruy, la socialiste a ainsi terminé en tête dans sa région de l’Ajoie pourtant le fief traditionnel du PDC.

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La principale intéressée peinait également à analyser. «C’est une surprise totale», lançait à chaud Rosalie Beuret Siess. La nouvelle ministre relève néanmoins «la campagne fédérée» de l’ensemble des partis de gauche et des syndicats, qui ont fait bloc derrière sa candidature. Une unité qui a tranché durant la campagne avec les divisions de la droite. L’entre-deux-tours s’est en effet résumé à des querelles et des règlements de compte virulents entre le PDC et l’UDC, qui avait maintenu son candidat malgré sa dernière place du premier tour.

«Il y a des thèmes que l’on ne peut plus aujourd’hui évacuer, comme l’écologie ou l’égalité. Et c’est Rosalie Beuret Siess qui les incarnait le mieux», avance de son côté la conseillère aux Etats socialiste Elisabeth Baume-Schneider. L’ancienne ministre se réjouit également de voir, pour la première fois de l’histoire du canton, deux femmes siéger au gouvernement jurassien. Un exécutif qui glisse ce dimanche un peu plus vers la gauche, avec une nouvelle composition: 2 socialistes, 1 chrétien-social (PCSI), 1 PDC et 1 PLR.

«Un jour noir pour le parti»

Pour le PDC, cette élection est bien plus qu’une défaite. «Nous ne pouvons que prendre acte. C’est un jour noir pour notre parti», relève son président Pascal Eschmann. Jamais depuis la création du canton en 1979 le parti n’avait compté qu’un seul représentant au gouvernement. Pour rappel, il défendait le siège laissé vacant suite à la démission de Charles Juillard, élu au Conseil des Etats l’automne dernier, la Constitution jurassienne interdisant les doubles mandats. Le départ à Berne de l’homme fort du canton, également vice-président du PDC suisse, a fragilisé son parti, déjà affaibli par les divisions.

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Le PDC avait pourtant obtenu pour le second tour le soutien des autres formations du centre droit, le PLR et le PCSI, mais cela n’a de loin pas suffi. «Il faut bien reconnaître que nos appels à la mobilisation n’ont pas fonctionné, note de son côté Gauthier Corbat, secrétaire général du PDC jurassien. Dans une campagne finalement courte et très nerveuse, nous n’avons pas su créer l’enthousiasme nécessaire autour de notre candidate.» Malgré la défaite, le parti demeure persuadé d’avoir fait le bon choix en lançant dans la course l’ancienne sénatrice Anne Seydoux-Christe, 61 ans, face à la jeune socialiste Rosalie Beuret Siess, qui surfait sur les vagues verte et mauve. «C’était un bon choix, insiste Pascal Eschmann. A nous, ces prochains temps, d’analyser cet échec pour rebondir et repartir à la conquête du siège perdu.»

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La défaite du PDC devrait électriser la vie politique du canton, qui doit renouveler ses autorités le 18 octobre prochain lors des élections générales. Avec notamment la poussée de l’UDC et la montée des Verts, le scrutin promet d’être incertain. «Les élections d’automne seront le véritable juge de paix», assure d’ores et déjà le président du PS Jämes Frein.