Depuis la décision du Conseil fédéral de faire évoluer sa stratégie pour arrimer, pleinement et durablement, la Suisse au marché européen, la droite nationaliste trompette contre tout rapprochement de la Suisse avec l’Union européenne (UE). Elle brandit l’étendard de la souveraineté sacrifiée et pourfend les traîtres. A commencer par le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Yves Rossier. Il est l’artisan d’un scénario, désormais validé dans les grandes lignes, devant permettre d’avancer sur la question qui fâche depuis trop longtemps: l’application, la surveillance et la reprise du droit européen par la Suisse à des conditions qui assurent aux entreprises helvétiques un plein accès au marché européen.

Exercice de pédagogie

Invité du Club suisse de la presse, Yves Rossier était lundi à Genève pour faire de la pédagogie. Un exercice qu’il a mené en toute décontraction. Le diplomate a clarifié l’enjeu qui déchaîne les passions: la Suisse reprend depuis des années, «sans trop le dire c’est vrai…», des règles fixées par l’UE; en tant qu’Etat souverain, la Confédération reste libre de ce choix; si la Suisse veut à l’avenir s’interdire de reprendre certaines nouvelles règles fixées par l’Union, cela reste son droit, mais alors elle doit mettre dans la balance les conséquences économiques et politiques de cette stratégie. Rester à l’écart occasionnera un désavantage économique qu’il s’agit d’évaluer et de comparer avec le bénéfice attendu du plein accès au marché intérieur. «Take it or leave it» (à prendre ou à laisser), résume Yves Rossier. «Il n’y a pas urgence à vouloir élargir aujourd’hui notre accès au marché intérieur européen», convient le secrétaire d’Etat. Il ajoute toutefois que «les choses changent vite». Il est préférable de négocier «avant que ça brûle».

Double réflexe de repli

Livrant quelques réflexions sur la politique étrangère suisse, Yves Rossier avait proposé, plus tôt, une définition de la souveraineté comme «la capacité d’être crédible lorsque vous menacez quelqu’un». Une citation empruntée au philosophe allemand Peter Sloterdjik. Appliquée au contexte européen, cette définition appelle à garder la tête froide. Le diplomate pourfend deux attitudes «répandues en Suisse et également dangereuses»: le réflexe du hérisson (die Kleinmut) qui consiste à se tenir à l’écart au motif que le pays est trop petit pour se mêler des affaires du monde; et le même réflexe de repli mais motivé par le sentiment de supériorité (die Übermut). Le secrétaire d’Etat avertit: «Ayons confiance dans nos très nombreux atouts, mais reconnaissons qu’ils ne sont pas tout-puissants.»