Jamais, depuis presque vingt ans, les Suisses n’avaient été autant sceptiques vis-à-vis de l’Europe et ne s’étaient sentis autant en sûreté dans leur propre pays. Telles sont les conclusions du sondage annuel 2011 sur la sécurité, révélé mardi par l’Académie militaire et le Center for Security Studies de l’EPFZ.
Au chapitre des relations internationales, moins d’un sondé sur cinq (19%) se déclare désormais favorable à une adhésion de la Suisse à l’Union européenne. La rupture par rapport à l’année dernière est très nette: en 2010, cette option bénéficiait encore de 31% d’opinions favorables. La possibilité d’un rapprochement politique moins contraignant avec l’Europe suit la même tendance, passant de 50% en 2010 à 37% actuellement, alors que 77% des personnes se déclarent favorables à l’autonomie nationale et 94% à la neutralité.
Cet affaiblissement prononcé de l’ouverture à l’Europe s’explique, selon les auteurs du rapport, par les questionnements découlant de la crise monétaire de l’UE, et un «retour à des valeurs suisses et conservatrices». Les résultats confirment en tout cas une tendance au déclin du sentiment proeuropéen, amorcée dès le début des années 2000: en 1999, l’adhésion à l’UE était encore plébiscitée par 57% des Suisses (voir infographie).
Pessimisme
L’évolution est d’autant plus nette qu’a contrario l’option d’un rapprochement uniquement économique avec l’Europe est de plus en plus largement plébiscitée par les sondés (77% aujourd’hui contre 44% il y a douze ans). Le signe, selon l’étude, que la population suisse souhaite poursuivre sur la voie bilatérale, avec une coopération commerciale dépourvue d’implications politiques.
Les personnes interrogées font preuve d’un large pessimisme vis-à-vis de l’évolution internationale pour les cinq années à venir. Seuls 7% estiment que la situation politique mondiale s’améliorera, alors que plus d’une personne sur deux (54%, +11%) craint un avenir sombre. Jamais la proportion de pessimistes n’avait progressé aussi vite.
Cette inquiétude face à l’extérieur contraste paradoxalement avec un grand sentiment de confiance partagé par les Suisses au sujet de leur propre pays. A la question: «Quel est votre sentiment de sûreté actuel?», 9 sondés sur 10 ont déclaré se sentir «très en sécurité» ou «plutôt en sécurité», et 61% d’entre eux estiment que la Suisse ne subit pas ou presque pas de menace militaire. L’impression d’une «Suisse sûre au milieu d’un monde incertain», soulignée par les auteurs, est également valable sur le long terme: 84% des personnes interrogées évaluent l’avenir national de façon positive (+15%), une proportion encore jamais atteinte depuis le début de l’étude. Un élan d’optimisme partagé par toutes les couches de la population, toutes les régions et toutes les orientations politiques.