Le canton du Jura compte deux instituts scientifiques de niveau international: le Cabi (Center for agriculture and bioscience international) à Delémont, qui fête ses 50 ans et est spécialisé dans la lutte contre les insectes et les plantes invasives. Et le Mont Terri Project, un laboratoire souterrain d'analyse géologique. Deux organismes peu connus, en raison de leur position géographique.
Le Cabi est en bordure de forêt sur les hauts de Delémont, le laboratoire géologique se trouve 300 mètres sous terre, à côté du tunnel autoroutier de la Transjurane. Dans un Mont-Terri qui ressemble de plus en plus à un emmental, avec des galeries qui se multiplient.
Pas d'entreposage de déchets
Lundi, le laboratoire inaugurait un nouveau couloir de 167 mètres, avec quatre niches latérales adjacentes. Une extension jugée nécessaire «pour comprendre les processus des argiles à opalinus et démontrer leur aptitude à permettre le stockage des déchets nucléaires». Ces argiles ont été formées il y a 180 millions d'années par le dépôt de particules de vase au fond de la mer.
En 1996, avec la bénédiction de la Confédération et du Jura, les scientifiques se sont mis à étudier la strate argileuse du Mont-Terri. Depuis lors, treize instituts partenaires provenant de sept pays (Suisse, Allemagne, Espagne, France, Belgique, Japon, Canada) observent et analysent le comportement hydrogéologique, géochimique et géotechnique de la roche. «Un laboratoire de roche offre des conditions plus réalistes pour les expériences», explique le directeur, Paul Bossart. Et de vanter les qualités de l'argile à opalinus, «très peu perméable à l'eau, disposant d'une grande capacité d'autocolmatage par gonflement, capable de diffuser des radionucléides. Les expériences visent à tester les procédés de stockage pour des conteneurs à déchets. Nous jouons un rôle clé au plan mondial.»
Une question revient systématiquement: actuellement terrain d'expérimentation, le Mont-Terri sera-t-il un site d'entreposage des déchets nucléaires? Le ministre jurassien de l'Environnement, Laurent Schaffter, affirme avoir «toutes les garanties pour l'exclure». Garanties politiques, le Jura a accepté de «louer» son sol pour des tests à la condition qu'on n'y dépose «jamais» de déchets. «Et c'est impossible techniquement, renchérit le scientifique Paul Bossart, car les argiles du Mont-Terri ne sont qu'à 300 mètres sous terre, et il faut une profondeur d'au moins 500 mètres pour un stockage.» La Confédération s'intéresse à d'autres endroits, notamment dans les cantons d'Argovie et de Soleure.
Rassuré, Laurent Schaffter s'applique à tirer bénéfice de la présence du laboratoire en pays jurassien. Le canton empoche une «location» de 60000 francs par an. «Depuis que nous sommes ici, les partenaires ont investi 47 millions, affirme Paul Bossart. Il faut doubler ce montant si on y inclut les coûts de fonctionnement et les salaires. Une étude montre que le Jura en profite à hauteur de 20%.»
Tout est entrepris pour montrer au visiteur un laboratoire très pointu. Où tout est minutieusement observé, calculé, testé, maîtrisé. «Je suis persuadé que les argiles que nous étudions peuvent permettre le stockage sûr de déchets radioactifs», dit Paul Bossart. Qui regrette que «les arguments scientifiques ne pèsent parfois pas lourd face aux réactions émotionnelles».