Covid-19
Sur le devant de la scène depuis le début de la pandémie, l’armée suisse continue de jouer un rôle important en transportant et en stockant les vaccins. A l’incompréhension générale, elle se refuse toutefois à participer à l’administration du produit

Plusieurs cantons démarraient ce lundi leur campagne de vaccination. Avec souvent le même visuel: une personne âgée au bras dénudé se faisant administrer le traitement par des soignants en blouse blanche. Depuis l’année dernière, ces derniers sont épisodiquement aidés par des soldats, appelés en renfort dans certains hôpitaux. Toutefois, aucun d’entre eux ne sera vu seringue à la main.
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L’armée suisse ne participera pas en effet – pour le moment du moins – à la campagne de vaccination. Elle a prêté main-forte dans les hôpitaux du pays en mars et en novembre dernier et 140 militaires sont toujours déployés à Bâle, à Schaffhouse et au Tessin. Pourtant les troupes se cantonneront au simple transport des doses, sans les administrer. Pourquoi?
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«Pas incluse dans les prestations de l’armée»
«Actuellement, l’armée se déplace pour aller chercher les vaccins aux frontières auprès de transporteurs étrangers, explique Daniel Reist, porte-parole de l’armée. Hier, par exemple, nous avons reçu un appel pour prochainement accueillir 126 000 doses, que nous allons prendre en charge et stocker à -70 degrés dans nos arsenaux souterrains. Nous disposons des infrastructures et des frigos nécessaires, que nous mettons à disposition des cantons. A leurs sollicitations, nous distribuons ensuite le nombre de fioles demandées – si nous en disposons bien sûr. Les gouvernements cantonaux peuvent passer commande jusqu’à 15h pour le matin suivant.» Et le rôle de l’armée s’arrête là, précise le communicant.
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Fin décembre, la Conférence latine des affaires sanitaires et sociales (CLASS) a pourtant demandé au Département de la défense (DDPS) et à celui de l’intérieur (DFI) de mettre des unités à disposition pour participer aux injections du produit miracle. Ce qui leur a été refusé. «La vaccination de la population n’est pas incluse dans les prestations de l’armée autorisées par la décision du parlement, explique par e-mail Lorenz Frischknecht, porte-parole du DDPS. De plus, les critères pour un engagement subsidiaire de l’armée ne seraient pas remplis pour ce type de prestation. Les cantons devraient être en mesure de mobiliser et engager les ressources humaines adéquates du domaine civil pour les campagnes de vaccination prévues. Enfin, une troisième vague ne pouvant être exclue, les capacités militaires dans le domaine sanitaire pourraient à nouveau être sollicitées dans le cadre des prestations approuvées par le parlement.»
«Les bras m’en tombent»
Vice-président du PLR suisse et membre de la Commission fédérale de la santé, le conseiller national Philippe Nantermod (PLR/VS) n’en croit pas ses oreilles. «Je n’ai plus assez de bras à faire tomber, se désespère le Valaisan. Le vaccin doit désormais être la priorité absolue. Qu’on arrête le pays pour vacciner si cela peut permettre de rouvrir les activités à l’arrêt! Nous devons mettre toutes nos ressources au service de cette campagne. La vaccination n’est pas incluse dans les prestations de l’armée autorisées par le parlement? Changeons la chose au plus vite! Si ce n’est pas la priorité de l’armée, alors quelle est-elle? Je trouve ça parfaitement incompréhensible. Si le problème tient à la base légale, une ordonnance urgente doit être adoptée. J’espère quand même qu’une majorité parlementaire existe pour considérer que la vaccination est la priorité numéro un. Il faut avancer maintenant.»
L’exaspération du parlementaire fédéral se retrouve chez plusieurs ministres cantonaux de la Santé. «La Confédération se recroqueville sur ses prérogatives quand ça l’arrange, soupire le conseiller d’Etat genevois Mauro Poggia (MCG/GE). Comme nous ne nous faisons plus beaucoup d’illusions, Genève a pris ses dispositions pour planifier les choses sans troupes d’appuis. On a toujours l’impression que M. Ueli Maurer fait ses calculs d’épicier alors que nous devrions résoudre les problèmes en premier et compter ensuite. Bien sûr que la situation est difficile, bien sûr qu’il y a des règles à suivre. Mais qui s’offusquerait d’une aide à la vaccination de la part de l’armée? Sûrement pas la droite, qui apprécierait l’effort, ni la gauche, qui trouverait enfin une utilité aux troupes. Nous pourrions travailler ensemble de manière bien plus efficace.»
Son homologue vaudoise n’est pas moins acerbe: «Comme nous n’avions pas de réponses avant, pour finir, de recevoir un refus, nous nous sommes organisés seuls, confie la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz (PS/VD). Mais l’apport de l’armée serait évidemment le bienvenu pour déployer la campagne de vaccination. D’autant que, depuis la modification de la loi sur la protection civile (PC), nous avons moins d’astreints à disposition. Ce qui tombe assez mal vu l’immense implication de la PC dans la gestion de crise.» En vigueur depuis le 1er janvier, l’alignement du temps de service de la PC sur celui de l’armée prive le canton de Vaud d’environ 3000 personnes, soit de 35% des effectifs.