L’arrivée d’un grand nombre de réfugiés souligne la faiblesse des crèches romandes
Accueil de jour
AbonnéSi elles décrochent un emploi, les jeunes mères ukrainiennes qui ont fui la guerre seules avec leur(s) enfant(s) risquent bien de se heurter au même dilemme que les familles, surtout monoparentales, établies en Suisse de longue date

La grande majorité des personnes arrivées d’Ukraine sont des femmes seules avec enfant(s). Le permis S leur permet de travailler. Inévitablement, celles qui chercheront un emploi se demanderont comment faire garder leurs tout-petits. Et, alors que leur pays dispose d’un bon réseau de crèches, elles pourraient se heurter, ici, à quelques déconvenues.
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C’est bien connu: dans les communes qui disposent de structures d’accueil, les parents sont priés de patienter des mois, voire des années, avant d’obtenir une place. Et ce n’est pas l’unique obstacle: «Les Ukrainiennes connaîtront le dilemme que vivent notamment beaucoup de femmes seules: pour trouver un travail, il faut disposer d’une solution de garde pour les enfants. Or, très souvent, les crèches accordent la priorité aux parents qui travaillent déjà. Pour rendre possible une intégration, il faudra renforcer les solutions dans ce domaine», souligne Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse (USS) et conseiller national socialiste.
D’un autre côté, si les communes offrent des places aux enfants qui viennent d’arriver, que diront-elles aux parents sur liste d’attente?
Impossible, pour l’heure, d’évaluer la demande. Mais les crèches ne semblent pas prises d’assaut. C’est ce que suggère un sondage réalisé en avril par Pro Enfance, plateforme romande pour l’accueil de l’enfance, auprès d’une centaine de structures d’accueil et services concernés dans les communes, dont 23 ont répondu.
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Au moment de cet «arrêt sur image», des communes s’affairaient à évaluer le nombre de places disponibles. La plupart des crèches indiquaient qu’elles n’étaient pas concernées par l’arrivée de familles venant d’Ukraine. Soucieux de ne pas créer de tensions, plusieurs acteurs de l’accueil de l’enfance précisaient toutefois qu’ils traiteront les demandes de familles ukrainiennes comme celles des autres bénéficiaires.
L’insertion sur le marché du travail n’est «pas la priorité»
«Le besoin, à ce stade, n’est pas prioritairement la recherche de places de crèche», car l’insertion sur le marché du travail ne semble pas constituer «la priorité du moment», indique de son côté l’Office de l’accueil de jour des enfants du canton de Vaud, qui réfléchit pour l’heure à «des solutions en vue de la prise en charge des enfants durant les cours de français à venir».
Même constat du côté de la ville de Genève: «La recherche d’une place d’accueil préscolaire ne semble pas être la première priorité des familles ukrainiennes qui ont fui la guerre et la violence. Celles qui sont arrivées à Genève jusqu’ici sont davantage préoccupées par les questions du logement, de la scolarisation des enfants plus grands et de la recherche d’un emploi. A ce stade, le Service de la petite enfance n’a pas enregistré un nombre important de demandes», indique Christina Kitsos, Conseillère administrative en Ville de Genève, en charge du Service de la petite enfance.
L’arrivée exceptionnelle d’un grand nombre de familles souligne toutefois les faiblesses de l’accueil de jour, estime Sandrine Bavaud, secrétaire générale de Pro Enfance: «Même si les communes devaient accroître le nombre de places, elles auraient de la peine à recruter du personnel, faute d’une politique publique de l’accueil de l’enfance.»
Le canton de Fribourg, par exemple, a annoncé la possibilité d’une dérogation spéciale, en cas de dépassement du quota autorisé. Sandrine Bavaud met toutefois en garde contre la tentation de pousser les limites des structures existantes: «La volonté de concilier vie professionnelle et familiale ne doit pas passer avant le soin de l’enfant.» Autre solution: les initiatives bénévoles, qui fleurissent ici et là.