L’article du Code pénal suisse qui définit le viol pourrait bientôt être modifié. Après plusieurs refus d’entrée en matière au cours des dernières années, le Conseil fédéral a en effet proposé d’accepter, ce mercredi, une motion déposée au parlement par la conseillère nationale Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE). Pour cette élue, la définition en vigueur, limitée à la «contrainte d’une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel», est insuffisante.

Le Temps: Quel problème la définition du viol du Code pénal suisse pose-t-elle?

Laurence Fehlmann Rielle: Elle est trop restrictive et ne s’applique qu’aux femmes. Seule la pénétration vaginale d’une femme par un homme constitue un viol, ce qui exclut tout viol masculin et minimise d’autres types de contraintes sexuelles. Une sodomie ou une fellation forcée tombera par exemple dans la catégorie «contrainte sexuelle», infraction pour laquelle aucune peine minimale n’est prévue et dont la punition peut se limiter à une sanction pécuniaire. Cette approche est dépassée, la loi doit s’adapter aux changements sociétaux.

– En 2014, une motion visant le même objectif s’était vue opposer une fin de non-recevoir par le gouvernement. Comment expliquer le revirement du Conseil fédéral?

– La Suisse doit de toute façon adapter sa législation après la ratification en 2016 de la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, qui ne fait pas de distinction entre hommes et femmes ni ne cantonne le viol à «l’acte sexuel». Le climat actuel de libération de la parole autour de la question du harcèlement sexuel a certainement aussi joué un rôle. Les milieux homosexuels donnent par ailleurs de la voix, très choqués par la terminologie pénale actuellement en vigueur dans ce domaine.

– Comment se positionne la Suisse par rapport à ses voisins?

– En France, le viol est défini comme tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit, commis sur autrui par violence. La situation est similaire en Allemagne. La législation suisse est l’une des seules en Europe à opérer une distinction entre viol et contrainte sexuelle et à punir de manière différente des actes tout aussi traumatisants l’un que l’autre pour les victimes. Je salue donc la prise de position du Conseil fédéral, qui constitue un véritable pas en avant. Dans sa réponse, le gouvernement précise toutefois que «la notion de viol ne couvrira que les actes analogues à l’acte sexuel, et non tous les actes d’ordre sexuel subis sous la contrainte». La question reste donc ouverte, les travaux parlementaires décideront de la teneur exacte des nouveaux textes de loi.