Le Conseil d’Etat neuchâtelois, fortement chahuté durant l’actuelle législature qui se terminera en mai prochain, retrouve, en apparence, la normalité. Orphelin depuis le 31 juillet de son timonier et grand argentier Jean Studer, parti à la présidence du conseil de la BNS, le gouvernement a fonctionné à quatre durant plus de quatre mois, une période éprouvante marquée par le rejet populaire du Transrun, l’annonce du départ de Gisèle Ory et les démêlés de Claude Nicati avec son parti, le PLR.
Avec la prestation de serment de Laurent Kurth devant le Grand Conseil, ce mardi, le gouvernement est au complet. Le socialiste chaux-de-fonnier de 45 ans a été élu sans histoire, le 14 octobre, par 71,4% des rares électeurs (24%) qui ont voté. Il a hérité du lourd département de Jean Studer, avec les finances, la justice et la sécurité. Un premier piège est tendu devant lui: sitôt assermenté, il doit défendre devant un Grand Conseil à majorité de gauche un budget 2013 confectionné par le PLR Thierry Grosjean et un gouvernement de droite (sur les quatre ministres restants, trois sont PLR).
Carte de la collégialité
Laurent Kurth est d’emblée placé devant une promesse de campagne: même s’il est minoritaire, il entend jouer pleinement la carte de la collégialité. Ses premiers pas seront minutieusement observés à cette aulne.
Parce que l’institution gouvernementale neuchâteloise et ceux qui la composent souffrent d’une grave crise de confiance de la part de la population, qui est allée jusqu’à rejeter le projet pourtant décisif de RER-Transrun pour désavouer ses gouvernants, Laurent Kurth est nanti d’une mission majeure : il doit et veut rétablir la crédibilité de l’autorité politique. Il s’est affiché comme celui – avec ses collègues du Conseil d’Etat dit-il, pour atténuer la pression – qui saura restaurer, sur la durée, la fierté des Neuchâtelois et leur foi en l’avenir.
Un peu comme le PLR Thierry Grosjean, entré au Conseil d’Etat à fin 2010 en remplacement de Frédéric Hainard, Laurent Kurth profitera d’une large bienveillance de la population, qui sait dans quel pétrin il s’est engagé. S’il manque de charisme populaire, ses compétences à gouverner sont reconnues. Il a fait ses preuves à La Chaux-de-Fonds.
L’ombre de Jean Studer
Qu’il le veuille ou non, il sera forcément comparé à celui qui l’a précédé, Jean Studer. Beaucoup de choses les opposent: l’apparence physique, la jovialité en société, les méthodes. Jean Studer était un rouleau compresseur, laurent Kurth veut consulter largement. Mais, au fond, Laurent Kurth et Jean Studer sont très semblables. Des socialistes pragmatiques, dotés d’une grosses capacité de travail, aux compétences reconnues. à l’écoute du tissu économique et industriel neuchâtelois. Tous deux ont pour ambitionner de réformer les structures politiques d’un canton qui peine à passer du statut de riche, il y a plus de vingt ans, à celui d’Etat dans le besoin. La réforme psychologique est certes en marche, mais heurte lorsqu’on constate les redondances administratives et structurelles héritées de ce temps où chaque région du canton pouvait avoir son hôpital et ses musées.
Laurent Kurth a la carrure pour reprendre les chantiers laissés par Jean Studer. Notamment celui du leadership gouvernemental. Il pourra s’y essayer durant quatre mois, avant les élections générales qui brasseront les cartes. Le Conseil d’Etat neuchâtelois 2013-2017 n’aura plus grand chose à voir avec l’actuel. Pour autant qu’il soit réélu en avril, avec ou sans basculement de la majorité à gauche, avec ou sans l’élection de l’UDC Yvan Perrin, Laurent Kurth sera celui qui permettra – ou non – la restauration de la crédibilité des autorités cantonales. La tâche est énorme.