La satisfaction de la municipalité de Lausanne aurait pu être totale. Elle dispose depuis hier d'un sondage, le tout premier du genre, démontrant que les Lausannois, ceux de la ville comme de la périphérie, sont très bien disposés à l'égard du Comité international olympique (CIO). Qu'ils aiment aussi les fédérations internationales qui gravitent autour d'elles, ainsi que les manifestations sportives qui se multiplient pour faire de Lausanne une capitale du sport dans tous les sens du terme.

Le sondage, réalisé en février auprès de 507 personnes par l'institut M.I.S. Trend, montre que 56% des personnes interrogées sont «plutôt satisfaites» ou «très satisfaites» de la présence du CIO. Certes, il y a 42% d'indifférents, mais 2% seulement de réactions hostiles. Sept Lausannois sur dix sont fiers du titre olympique de leur ville, trois sur quatre ne voient pas d'impact négatif aux affaires de dopage et de corruption qui ont ébranlé le CIO. Jean-Jacques Schilt, le syndic de Lausanne, se dit «agréablement surpris»: les apports économiques de la présence olympique sont reconnus, tout comme les effets bénéfiques pour l'image de la ville. Les sondés ne sont par ailleurs nullement exaspérés par la tenue des grands rassemblements sportifs, malgré les désagréments qu'ils occasionnent.

Signe d'encouragement

On voit bien l'usage positif que Lausanne pourra faire de ce sondage. La ville ne ménage pas ses efforts pour consolider son statut de ville olympique, notamment dans la phase actuelle de transition à la tête du CIO. Ces signes encourageants de l'hospitalité lausannoise pourront du reste être utilisés très prochainement, dans la bataille pour le siège de l'Agence mondiale antidopage (AMA): la commission de sélection devant passer dans un mois à Lausanne.

Les relations que les autorités municipales et le CIO entretiennent sont excellentes. En revanche, la population passait jusqu'ici, sans que cela ait jamais été analysé, pour être animée de sentiments beaucoup plus froids, avec une bonne dose d'indifférence sinon d'hostilité. Le refus populaire de la candidature aux JO d'hiver, comme celui du vélodrome qui a été finalement construit à Aigle, sont restés dans les mémoires. Le sondage est d'ailleurs la première réalisation d'un groupe de travail que la ville a constitué en 2000 pour l'aider à promouvoir son image de ville olympique.

Ce sondage positif ne pouvait donc mieux tomber pour asseoir la politique de la ville. Une ombre vient pourtant ternir le tableau pour la majorité rose-rouge-verte. Les résultats sont publiés alors que la ville sort à peine d'une polémique sur la manière d'honorer Juan Antonio Samaranch, le président sortant du CIO. Par crainte d'essuyer un refus devant le Conseil communal et d'infliger un camouflet au Catalan, l'exécutif a renoncé à proposer la bourgeoise d'honneur. Lors de consultations informelles, les conseillers communaux socialistes et popistes se sont déclarés très majoritairement hostiles, M. Samaranch n'ayant jamais fait amende honorable pour son passé politique franquiste.

Une fête d'hommage aura lieu le 17 mai pour le président du CIO. Mais la presse lausannoise et la minorité de centre droit ont critiqué cette option, dénoncé la frilosité de la municipalité. L'affaire finalement s'est dégonflée. Juan Antonio Samaranch a expliqué publiquement qu'il était très satisfait du traitement qui allait lui être réservé par la ville. Les radicaux et libéraux ont renoncé à intervenir au Conseil, pour éviter un déballage et ne pas faire davantage de dégâts.

La page de la bourgeoise d'honneur est donc tournée. Mais le sondage, en attestant de la popularité du CIO, met en évidence que la majorité politique est en désaccord avec ce que pense la population. Le syndic Jean-Jacques Schilt conteste toutefois cette analyse. Le sondage ne contenant pas de question spécifique sur Juan Antonio Samaranch, on ne peut rien en déduire sur sa popularité, souligne-t-il. En outre, les gens à sensibilité de droite émettent des réponses plus favorables au CIO que ceux de gauche, ce qui confirme le risque d'échec au Conseil.

Aveu de faiblesse

En laissant transparaître, à travers cette affaire, leur incapacité à convaincre leurs troupes, les municipaux de la majorité ont fait un aveu de faiblesse. Car, selon leurs propres déclarations, tous les membres de la municipalité auraient souhaité pouvoir accorder la bourgeoisie d'honneur à Juan Antonio Samaranch, pour tout ce qu'il a fait pour la ville. A commencer par le popiste Bernard Métraux, directeur des Sports. La socialiste Silvia Zamora y était aussi favorable, elle qui a des origines espagnoles et républicaines: l'Espagne a bien su surmonter son passé.