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L'écrivain Lukas Bärfuss étrille la Suisse, pays de «nains catatoniques»

Dans la «Frankfurter Allgemeine Zeitung», l'auteur originaire de Thoune a signé une tribune acide sur un pays qu'il dépeint comme mentalement malade

Lukas Bärfuss en avril 2015. — © Sabine Wunderlin
Lukas Bärfuss en avril 2015. — © Sabine Wunderlin

Un pays qui, dans un monde globalisé, n’a «plus rien à dire»; la diatribe de l’écrivain Lukas Bärfuss parue ces jours dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung est brutale, et soulève un tollé en Suisse alémanique. Notamment dans les médias, que l’auteur dépeint comme ayant renoncé à toute forme de déontologie.

Il écorche évidemment les titres détenus par Christoph Blocher, dont la Basler zeitung, mais il éreinte également les atermoiements idéologiques du conseil d’administration de la NZZ, et il fustige la rédaction culturelle du Tages Anzeiger, décrite comme à la botte des visées commerciales de Tamedia. Elle a répondu à cette «paranoïa» qui enfiévrerait l’écrivain.

Les pochettes «Suisse mania», un révélateur

Car dans l’ensemble du long texte, il est beaucoup question de maladie mentale. Lukas Bärfuss fonde son argumentaire sur les vignettes à collectionner distribuées ces jours par Migros, sous l’étiquette «Suisse mania». L’auteur de la pièce de théâtre «Les névroses sexuelles de nos parents», récemment adaptée au cinéma, note que «manie» relève du trouble psychotique, parfois grave, pouvant inclure hallucinations et catatonie.

Il déroule ainsi le fil, à commencer par les élections fédérales de dimanche, qui sont marquées par un effroyable non-dit à propos des relations avec l’Union européenne: «Une question trop compliquée», qui provoque un «embarras sans précédent» dans la classe politique, laquelle s’empresse de pas l’aborder.

Tant de contradictions

Le «pays sous pression» accumulerait ainsi les contradictions: l’emprise politique et désormais aussi culturelle de Christoph Blocher, des consommateurs incités à consommer en recourant à des sites Internet étrangers alors que les salaires et la productivité sont pressurés par les patrons, des industries d’exportation gémissant sous la force du franc et des cantons basculant dans le gouffre déficitaire, ou encore, une réforme énergétique lancée dans le pays qui a la plus vieille centrale nucléaire en service… Errements psychologiques d’une Suisse «qui a à voir avec la folie». D’un peuple de «nains», «un pays pas mort, mais en catatonie».

Dans un autre registre (encore que…), lire aussi notre récente critique du dernier spectacle d’après Lukas Bärfuss, sur le suicide assisté.