Les Chambres fédérales ne veulent pas de l’élection du Conseil fédéral par le peuple. Le Conseil national, au terme d’un long débat de près de cinq heures, avec une quarantaine d’orateurs, a refusé par 128 voix contre 43 (UDC), de soutenir l’initiative populaire de l’UDC qui demande de passer d’une élection par l’Assemblée fédérale à un système électoral majoritaire à deux tours, avec deux sièges réservés à la minorité latine. En septembre, le Conseil des Etats avait déjà refusé de recommander l’acceptation de l’initiative par 35 voix contre 6. L’initiative n’a même pas obtenu le soutien de tous les députés de l’UDC.
La question de la représentation des minorités latines a été au cœur du débat, car le système choisi par l’UDC ne garantirait pas un siège automatiquement à la minorité italophone, mise en concurrence avec la Suisse romande. La socialiste vaudoise Cesla Amarelle proposait en effet un contre-projet direct qui ferait passer le Conseil fédéral de 7 à 9 membres, avec une garantie de représentation équitable pour les minorités linguistiques. Une proposition refusée par une nette majorité du parlement par 120 voix contre 61.
Combattue par une large majorité du centre droite et de la gauche, l’initiative a toutefois reçu quelques soutiens de principe à gauche, dans les rangs socialistes et écologistes. Mais au vote, ces voix se sont abstenues. Pour l’UDC, ce texte complète les droits populaires et permet d’éviter le petit jeu «indigne» et les intrigues des partis avant l’élection au Conseil fédéral, a insisté Christoph Mörgeli (UDC/ZH). Ce système de l’élection du gouvernement par le peuple fonctionne bien dans tous les cantons, et ce serait sous-estimer la capacité des citoyens d’opérer de bons choix que de les priver de cette possibilité au niveau fédéral.
Sur le principe, il est difficile de refuser un élargissement des droits populaires, a justifié à son tour le Vert zurichois Bastien Girod, prêt à soutenir la proposition de l’UDC. Et il est vrai qu’à plusieurs reprises les socialistes ont été à l’origine d’initiatives ou d’interventions parlementaires allant dans ce sens. Notamment en 1900 et 1942 par le biais d’initiatives populaires. Mais c’était essentiellement parce que la gauche de l’époque avait le sentiment de ne pas être représentée à sa juste valeur au gouvernement.
La plupart des orateurs ont toutefois reproché à l’UDC d’avoir réagi sous le coup de l’émotion après la non-réélection de Christoph Blocher au Conseil fédéral. L’initiative menacerait en la collégialité en contraignant le Conseil fédéral à une campagne permanente. Elle déséquilibrerait le rapport entre les pouvoirs en renforçant le poids du Conseil fédéral au détriment du parlement, a prévenu le rapporteur de la commission, le socialiste zurichois Andreas Gross.
En fait, a dénoncé le socialiste vaudois Roger Nordmann, le véritable but de l’UDC avec cette initiative est de bloquer le système politique actuel, qui fonctionne bien, en basculant dans une campagne électorale permanente.
L’UDC a raté l’occasion de trouver des alliés à gauche, a regretté le socialiste argovien Cédric Wermuth, car son texte ne prévoit aucune règle pour assurer la transparence financière des campagnes électorales et ne propose pas une solution équilibrée pour la représentation des minorités. Avec le Valaisan Mathias Reynard, il prépare une initiative parlementaire pour une élection du Conseil fédéral par le peuple, mais avec des règles de transparence et une répartition de la provenance régionale des élus.
Attention au déséquilibre entre les pouvoirs, a mis en garde la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, car le rôle de contrôle de l’exécutif par le législatif serait remis en cause. De plus, on assisterait à une centralisation du pouvoir politique dans des partis nationaux, qui auront le pouvoir de désigner leurs candidats, au lieu des partis cantonaux. Le coût des campagnes nationales serait astronomique.