L’électricité captive de l’accord-cadre
Suisse-UE
Devant la branche de l’électricité, l’ambassadeur européen Michael Matthiessen est clair: si elle veut un accord bilatéral sur l’énergie, il faut commencer par signer le traité institutionnel

«Sans accord-cadre institutionnel, il n’y aura pas d’accord sur l’électricité.» Le message délivré jeudi par l’ambassadeur de l’Union européenne en Suisse, le Danois Michael Matthiessen, aux participants au Congrès 2019 de l’électricité est clair. Si la branche souhaite consolider sa position au sein de l’Europe électrique, elle doit s’engager pour faire aboutir l’accord-cadre. «Votre secteur peut contribuer à expliquer au grand public les enjeux pratiques de cet accord», précise l’émissaire européen. Il insiste sur le fait que les relations entre la Suisse et l’UE doivent être «modernisées» et assure que, aux yeux de l’UE, «la voie bilatérale était une solution provisoire après le rejet de l’EEE en 1992».
La Suisse et l’UE ont entamé les négociations autour d’un traité sur l’énergie en 2007. Celles-ci poursuivent plusieurs buts. Premièrement, il s’agit de réglementer la participation de la Suisse au marché européen. «C’est comme lorsque vous voulez jouer dans un club de golf: vous en acceptez les règles», compare Michael Matthiessen. Il s’agit ensuite de développer le commerce transfrontalier, c’est-à-dire les exportations d’énergie hydroélectrique suisse et l’importation hivernale de courant étranger. La convention bilatérale vise encore à consolider la position de plaque tournante de la Suisse et à renforcer sa fonction de liaison entre le nord de l’Europe et l’Italie.
«Il n’existe pas de réseau suisse de l’électricité»
Sur le plan technique, les pourparlers sont bien avancés, et cela depuis plusieurs années. Mais la conclusion d’une convention bilatérale sur l’énergie a été liée à celle d’un accord-cadre institutionnel. De sorte que tout est aujourd’hui figé. Cela entoure d’incertitudes les possibilités d’exportations d’énergie hydraulique indigène et pose des problèmes à la société nationale de réseau, Swissgrid. Son directeur, Yves Zumwald, constate avec regret que «la Suisse est de plus en plus exclue en Europe». Les couplages de marchés se font déjà sans elle et, à terme, la sécurité de l’approvisionnement risque d’être fragilisée dans la mesure où elle dépend des importations de courant étranger. «La sécurité du réseau n’est garantie que dans un contexte européen», argumente Yves Zumwald. Michael Matthiessen rappelle que, juste avant de quitter le Conseil fédéral, Doris Leuthard a estimé à 120 millions de francs par an le prix à payer par les consommateurs si la Suisse est tenue à l’écart du marché européen.
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Président de l’Association des entreprises électriques suisses (AES), co-organisatrice du Congrès de l’électricité, Michael Wider livre au Temps son analyse: «Il n’existe pas de réseau suisse. Il y a un réseau européen interconnecté dont la Suisse fait physiquement partie depuis 1957. La question n’est pas de savoir si, avec un accord bilatéral sur l’électricité, nous voulons adhérer au marché européen, mais de quoi nous serons exclus si nous ne l’avons pas. La branche a longtemps considéré que cet accord ne concernait que les grands producteurs et les traders. Elle a compris qu’il concerne aussi les exportations et les importations, qui sont importantes pour la sécurité de notre approvisionnement. Il crée ainsi une base plus solide pour la collaboration internationale.
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Or, le message de l’UE est clair: il n’y aura pas d’accord sur l’électricité s’il n’y a pas d’accord-cadre institutionnel. Comme c’est une question politique, la branche, Swissgrid et les autorités devront se mettre autour d’une table pour voir ce qu’on fait si l’accord-cadre n’est pas accepté. Car on commence à en percevoir l’impact: les importations coûteront plus cher, les exportations seront plus difficiles.»